Je partage, donc je sais

Je partage, donc je sais - illustration(04/12-2022) – L’un des grands avantages d’Internet est la richesse des connaissances qu’il contient. Cependant, il peut aussi présenter certains inconvénients. Les moteurs de recherche peuvent amplifier certains préjugés, par exemple.

Des recherches menées par Adrian Ward de l’Université du Texas à Austin ont révélé que nous pouvons confondre les informations que nous avons recherchées avec nos propres connaissances. Dans un nouvel article paru dans le Journal of Consumer Psychology (vous pouvez trouver cette étude — en anglais — ici), Ward et ses collègues ont découvert que même lorsque nous ne lisons pas les informations que nous partageons en ligne, cela peut nous donner l’impression que nos connaissances ont augmenté.

Les participants à la première étude ont eu la possibilité de lire des articles de presse partagés par d’autres et de partager les leurs avec les futurs participants. Ils pouvaient lire et/ou partager autant ou aussi peu qu’ils le souhaitaient. Ensuite, ils ont évalué leurs connaissances subjectives pour chaque sujet d’article sur une échelle de sept points (« par rapport à la plupart des gens, j’en sais plus sur ce sujet »), puis ils ont répondu à des questions sur eux-mêmes pour mesurer leurs connaissances objectives.

Les résultats ont montré que ceux qui ont lu les articles avaient des niveaux plus élevés de connaissances objectives et subjectives. Fait intéressant, ceux qui ont partagé les articles ont également déclaré se sentir plus informés, même s’ils n’avaient pas lu l’article eux-mêmes. Cependant, leurs connaissances objectives étaient toujours à la traîne par rapport à celles qui avaient lu les articles.

Une deuxième étude a établi que les gens ne partagent pas simplement des articles parce qu’ils connaissent déjà le sujet, mais plutôt que l’acte même de partager renforce les croyances quant à leur degré de connaissance.

Une étude ultérieure a établi que les gens ne partagent pas seulement des articles en raison de leurs connaissances préexistantes sur le sujet. Au contraire, l’acte de partage lui-même peut augmenter les croyances des gens sur leurs propres connaissances et expertise.

Pour tester cela plus avant, l’étude a examiné si la confiance des participants dans leurs connaissances d’un sujet demeurait lorsqu’ils partageaient des articles sous une fausse identité. Dans certains cas, les participants ont écrit leurs initiales qui apparaîtraient avec tout article qu’ils partageaient, tandis que dans l’autre, on leur a demandé d’imaginer qu’ils faisaient une farce à un ami et partageaient des articles sous les initiales de cet ami au lieu des leurs.

Les gens se sentent plus informés du contenu des histoires qu’ils partagent sous leur propre identité que de celles qu’ils partagent sous celle de quelqu’un d’autre, même s’ils ne les ont pas lues. Cela s’explique par le fait que lorsque nous partageons des histoires sous notre propre nom, nous nous identifions comme la source de ces informations, et nous en venons donc à croire que nous avons des connaissances pertinentes.

De plus, l’étude a révélé que l’effet du partage sur nos connaissances subjectives était plus fort lorsque nous partageons avec des amis proches qu’avec des inconnus. Cela suggère que nos propres identités peuvent augmenter l’impact des histoires que nous partageons, nous aidant à nous sentir plus informés même si nous ne les avons pas lues.

Partage et croyance

Une dernière étude a examiné si les gens agissent avec plus de confiance lorsqu’ils partagent des articles plutôt que de se sentir simplement plus informés. Les participants ont été invités à lire un article sur l’investissement, ceux de la condition de partage ayant pour instruction de le partager sur leur page Facebook, et ceux de la condition de non-partage procédant sans partage. Après avoir lu l’article, tous les participants ont ensuite reçu des conseils d’investissement de la part d’un conseiller (une intelligence artificielle) et ont participé à une simulation de planification d’investissement, dans laquelle ils ont choisi le niveau de risque de leur investissement. Après cela, les participants ont ensuite rempli des mesures d’auto-évaluation des connaissances financières et des questions mesurant les connaissances objectives, afin d’évaluer si le partage d’un article avait un effet sur leur confiance dans la prise de décisions financières.

Les résultats de l’étude suggèrent que le partage d’éléments en ligne peut avoir un effet puissant sur notre comportement et nos sentiments. Ceux qui ont partagé des articles dans l’exercice de planification des investissements ont pris beaucoup plus de risques que ceux qui n’ont pas partagé. Cela indique que le partage de contenu peut avoir une influence sur la prise de décision et modifier notre comportement.

La recherche suggère en outre que la force de cet effet varie en fonction des personnes avec qui nous partageons et des moyens par lesquels nous partageons. En fin de compte, il semble que le partage d’informations puisse avoir un impact profond sur nos décisions et nos actions.

Partager du contenu sans vraiment le lire peut nous donner le faux sentiment d’être bien informés sur un sujet particulier. Cela peut être particulièrement dangereux lorsqu’il s’agit de titres clickbait, qui ne reflètent souvent pas exactement le contenu de l’article. Pendant les élections, ces types de titres concernent souvent la politique et le fait de les partager sans les lire peut nous faire croire que nous en savons beaucoup sur un certain politicien, une certaine politique ou un certain mouvement, alors qu’en réalité, le titre seul nous donne des informations incomplètes et trompeuses.

Ces dernières années, les entreprises de médias sociaux ont pris des mesures pour décourager les gens de partager des informations qu’ils n’ont pas lues. Par exemple, Twitter a introduit une fonctionnalité en 2020 pour encourager les gens à lire avant de retweeter. Plus tard cette année-là, l’entreprise a déclaré que la fonctionnalité avait entraîné une augmentation de 40 % des ouvertures d’articles. Cependant, l’impact total de ces fonctionnalités reste flou. Des recherches supplémentaires sur ces fonctionnalités pourraient aider à comprendre comment elles affectent les croyances des gens sur leurs connaissances. (Cyril Malka)

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