Et si l’insomnie n’était pas un problème?

(03/06-2020) – On trouve une foule d’ouvrages et d’études sur le sommeil, et nous savons tous que trop peu de sommeil est mauvais pour nous.

Matthew Walker, un scientifique du sommeil à l’UC de Berkeley et auteur du best-seller « Why We Sleep » (Pourquoi nous dormons), est allé jusqu’à déclarer: « Moins vous dormez, plus votre vie sera courte. » (ce qui, je l’espère, ne sera pas mon cas vu que je ne dors que peu).

S’il y a des études qui pourraient confirmer les dires de Matthew Walker, il y en a tout autant qui le contredisent et qui contredisent les stéréotypes que nous avons encore aujourd’hui. Mais, comme dans beaucoup de domaines, on parle moins des études qui infirment nos croyances plutôt que les études qui les confirment.

En fait, une foule d’études indiquent que « trop peu » de sommeil est loin d’être le désastre que nous croyons.

Il est peut-être temps de réviser certaines de nos croyances.

Pas toujours un manque de sommeil

Nous connaissons tous les concepts des « couche-tard » qui s’endorment tard et se lèvent tard, et les « couche-tôt » qui, à l’inverse, vont au lit tôt et se lèvent tôt.

La plupart des enfants commencent comme couche-tôt, mais, à l’adolescence, de nombreux enfants deviennent des couche-tard.

Se réveiller tard est très bien pour les adolescents le week-end, mais pas pendant la semaine scolaire. Il n’est donc pas surprenant que diverses études aient montré que de faire commencer les journées scolaires plus tard améliore les résultats scolaires de ce groupe d’âge, et de nombreux scientifiques du sommeil et certains pédiatres soutiennent une telle politique.

On part du principe que cela est dû au fait que cela permet aux adolescents de faire une bonne nuit et de bien dormir.

Mais il y a des preuves que ce n’est peut-être pas le cas.

Une étude récente sur les élèves des écoles secondaires néerlandaises, publiée dans Scientific Reports, a révélé que les couche-tard obtenaient de moins bonnes notes aux examens et que cela n’avait rien à voir avec la durée du sommeil.

D’après cette étude, même lorsque les couche-tard dorment « suffisamment », ils se débrouillent moins bien que les couche-tôt aux examens.

La raison est, semble-t-il, que les examens (aux Pays-Bas) sont souvent planifiés le matin. Et à cette période, les couche-tard ne sont pas encore à leur apogée cognitif.

Lorsque les couche-tard passent des examens l’après-midi, période plus près de ce pic cognitif, ils obtiennent des notes similaires à celles des couche-tôt. Cela est particulièrement vrai pour toutes les matières scientifiques.

Cela veut dire que si la journée scolaire commençait plus tard, et si les examens commençaient plus tard, cela pourrait être mieux adapté au chronotype de nombreux adolescents.

Mais cela signifie également, et surtout que dans de nombreux cas, essayer de faire en sorte que les adolescents se couchent plus tôt et dorment plus longtemps ne fera pas vraiment de différence pour ce qui est de leurs performances à l’école. En tous cas pas autant qu’on l’a prétendu jusqu’ici.

Cause ou effet?

Anxiété, TOC, TDAH, schizophrénie, ESPT… toutes sortes de problèmes de santé mentale sont également associés à des problèmes de sommeil.

Il est désormais reconnu que la relation est circulaire, la maladie mentale et l’insomnie se renforçant l’une et l’autre.

Cela veut dire que ce n’est pas si simple. Cela veut dire que ce n’est pas un manque de sommeil qui cause des symptômes.

Il apparaîtrait que le stress en début de la vie peut vous programmer à l’insomnie beaucoup plus tard.

Une étude a révélé que les enfants qui ont grandi dans des familles ayant un niveau de conflits élevé étaient plus susceptibles de souffrir d’insomnie à l’âge adulte.

Une thérapie surprenante

Priver les personnes déprimées de sommeil est un traitement efficace. Cela a été démontré dans une série d’études commençant il y a près de 50 ans. Il y a bien longtemps qu’on a constaté qu’un besoin plus important de sommeil était un signe de dépression.

Mais ce n’est devenu une thérapie standard que récemment.

Les personnes en bonne santé qui sont privées de sommeil constateront généralement que leur humeur se détériore. On devient plus susceptible, plus hargneux.

Mais pour les personnes qui souffrent de dépression, rester éveillé pendant au moins une nuit a généralement un effet contraire (temporairement).

L’impact est rapide et a un effet positif sur la plupart des patients, comme l’a démontré une étude danoise récente, par exemple.

On ne comprend toujours pas très bien le pourquoi du comment de l’affaire (en fait, on ignore toujours énormément de choses sur le sommeil), donc la raison est toujours débattue, mais on pense que lorsqu’on garde le sujet éveillé on donne un « choc » à une horloge biologique lente. Un peu comme mettre un coup de poing sur un téléviseur qui ne fonctionne pas.

Le sommeil n’améliore pas toujours la mémoire

On pourrait croire que le principe bien connu que le sommeil est important pour la mémoire est prouvé et bien ancré.

Mais, récemment, au moins une étude a remis ce principe en question.

Il s’agit d’une grande étude: 2000 participants ont regardé une courte vidéo dans laquelle on voyait un homme voler un ordinateur portable dans un bureau.

Douze heures plus tard, on leur a demandé de l’identifier à partir d’un tapissage (lorsqu’on montre plusieurs suspects en ligne à un témoin afin qu’il l’identifie).

La moitié des « témoins » avait dormi pendant cette période de douze heures, l’autre non. Et, contrairement aux attentes, ceux qui avaient dormi n’étaient pas plus précis que les autres pour désigner l’auteur des faits.

Aussi sur ce sujet, on ne sait pas pourquoi et on travaille toujours sur le sujet.

Les effets peuvent être indirects

Vous avez sans doute entendu dire qu’un manque de sommeil n’est pas seulement mauvais pour votre santé mentale, mais aussi pour votre santé physique.

Les femmes qui dorment moins sont en effet plus susceptibles de développer de l’obésité, un diabète de type 2 et des maladies cardiaques, par exemple.

Mais la principale raison de ces effets semble être indirecte: les femmes qui dorment mal ont tendance à faire de mauvais choix alimentaires: Elles optent souvent pour des aliments riches en calories et en énergie.

Ces choix sont certainement liés à un manque de sommeil, oui, mais ils n’en sont pas une conséquence inévitable. Une des théories serait que notre cerveau qui se sent fatigué, s’il ne peut pas dormir, va enclencher un système de « faim » afin d’avoir son apport en énergie et il demandera généralement du sucré ou/et du calorifique.

Ce n’est donc pas le manque de sommeil qui est directement lié à ces maladies, mais les mauvais choix alimentaires qui en découlent souvent.

Les insomniaques qui ne souffrent pas

Quand est-ce que l’insomnie est un problème?

Il m’arrive régulièrement de me réveiller à trois heures du matin. Des fois je me rendors, des fois, non, je suis bien réveillé. Dans ce cas, je me lève, je me fais mon café et j’en profite pour écrire des articles ou sur un manuscrit.

Techniquement, c’est de l’insomnie. Mais je fais partie de ces personnes qui ne ressentent ni détresse ni anxiété, et ne sont pas plus affaiblies en termes de fatigue quotidienne que celles qui dorment bien.

Et des personnes comme ça, il y en a beaucoup.

En fait, il y en a tellement qu’on en a fait une étude et qu’on s’est rendu compte que oui, une augmentation massive de l’hypertension (pression artérielle élevée) était observée chez ceux qui se considéraient comme insomniaques, mais pas chez les « petits dormeurs qui ne se plaignaient pas » ou qui, comme moi, ne voient pas ça comme un problème.

La même étude a révélé que 37% des personnes qui pensent souffrir d’insomnie dorment en fait normalement et que leur « identité d’insomnie » est plus signe d’une personne qui a moins besoin de sommeil que d’autres ou cela peut indiquer une déficience diurne.

D’autres recherches ont montré, entre-temps, que s’inquiéter de ne pas dormir suffisamment peut entraîner une insomnie prolongée.

Ce qui veut dire que les gros titres et les articles qui font craindre aux gens de ne pas dormir suffisamment pourraient alors causer eux-mêmes certains des problèmes qu’ils décrivent.

En gros, mieux vaut vous lever et commencer votre journée (quitte à faire une sieste ou à aller au lit plus tôt le soir) que de tourner dans votre lit comme une toupie et accepter le fait que vous dormez moins que d’autres (en tous cas, en périodes).

Alors oui, il existe de nombreuses preuves qu’une bonne quantité de sommeil de qualité régulière est importante. Mais notre façon de penser à la façon dont nous dormons et nos croyances sont tout aussi importantes. Et il y a bien des choses que nous ne savons pas encore… (Cyril Malka)

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