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(03/04-2025) – Avez-vous déjà vécu cette situation frustrante ? Vous posez une question précise à quelqu’un, n’importe laquelle, mais une question claire et directe. Pourtant, au lieu d’obtenir une réponse, la personne en face de vous semble danser autour du sujet. Vous insistez, reformulez votre question, et malgré vos efforts, la réponse ne vient jamais. Pire encore, vous finissez par vous sentir coupable d’avoir simplement posé cette question.
Si cette scène vous paraît familière, il est fort probable que vous ayez été confronté à l’une des tactiques favorites des personnes narcissiques: l’art d’éviter systématiquement les questions directes.
Cette tactique d’évitement n’est pas l’apanage exclusif des narcissiques. Il convient de préciser qu’il serait réducteur de qualifier quelqu’un de narcissique uniquement parce qu’il refuse de répondre à vos questions. De nombreuses personnes passives-agressives, sournoises ou simplement malhonnêtes peuvent également recourir à ce genre de méthode. Les politiciens, par exemple, excellent souvent dans l’art d’esquiver les questions sans pour autant présenter un trouble de la personnalité narcissique.
Cependant, cette stratégie fait partie intégrante de l’arsenal comportemental des narcissiques. Elle semble presque inscrite dans leur ADN psychologique. Si vous avez déjà passé quelques heures en discussion houleuse avec une personne présentant ce type de personnalité – que ce soit par messages ou en face à face – vous savez exactement de quoi il s’agit.
Ne pas répondre à une question précise constitue une forme d’arnaque émotionnelle, une manœuvre vicieuse et sournoise. C’est une expérience profondément déroutante et exaspérante, surtout lorsque vous constatez clairement que votre interlocuteur évite délibérément de vous répondre.
Pour comprendre la puissance de cette technique, examinons deux scénarios typiques qui illustrent parfaitement son fonctionnement.
Imaginez cette situation : vous êtes dans une relation intime et vous remarquez que votre partenaire passe beaucoup de temps avec un nouveau collègue. Naturellement préoccupé, vous lui posez une question simple :
« Tu es resté tard hier soir avec cette nouvelle personne de ton équipe, celle qui vient de Bordeaux. Pourquoi exactement ? »
Au lieu d’une réponse directe, votre partenaire réplique :
« Pourquoi me poses-tu cette question ? Tu sais bien qu’on a une échéance importante au travail en ce moment, je t’en parle tous les jours. Tout le monde est mobilisé, tout le monde travaille dur. »
Vous insistez : « Oui, je comprends, mais es-tu resté tard avec elle spécifiquement hier soir ? »
La réponse s’éloigne encore davantage de votre question initiale : « Écoute, je suis épuisé par toutes ces échéances. J’ai besoin d’une pause. On pourrait peut-être aller à la plage ce week-end. »
Vous tentez une dernière fois d’obtenir une réponse claire : « Je ne comprends pas pourquoi tu ne peux pas simplement répondre à ma question. Es-tu resté tard avec cette personne hier soir ? »
C’est là que la situation dégénère : « Je ne vais pas répondre à une question aussi ridicule ! Tu ne vois pas tout le travail que je fais ? Et voilà ce que je trouve en rentrant à la maison ! Tu disais toi-même que tu voulais rénover la cuisine. Une fois cette échéance terminée, j’aurai des primes et nous pourrons faire les travaux. Ne peut-on pas simplement aller dormir ? Je travaille comme un fou pour nous, et quand je rentre, je subis un interrogatoire simplement parce que tu n’as rien d’autre à faire. »
La question a-t-elle reçu une réponse ? Absolument pas.
Considérons maintenant une interaction familiale. Vous découvrez que votre mère a posé des questions sur votre travail à votre fille, Denise, au lieu de s’adresser directement à vous. Vous lui demandez :
« Maman, pourquoi as-tu interrogé Denise sur mon travail ? Pourquoi ne pas m’avoir posé la question directement ? »
Votre mère répond : « De quoi parles-tu ? Je ne sais rien de tes affaires professionnelles. »
Vous précisez : « Tu as questionné Denise hier à propos de mon travail. Je préfère que ma fille ne soit pas placée entre nous deux. »
Elle réplique : « Ne sois pas ridicule. Denise invente des histoires, elle est toujours dramatique et cherche à créer des problèmes. »
Vous tentez de recadrer la conversation : « Je préfère que tu ne lui poses pas ce genre de questions. J’essaie simplement de comprendre pourquoi tu as fait cela, pour éviter que ça ne se reproduise. Pourquoi lui as-tu posé ces questions ? »
Votre mère passe alors à l’offensive : « Depuis quand avoir une conversation avec ma petite-fille devient un interrogatoire ? Nous parlions simplement de la vie. Tu es complètement ridicule, et tu essaies encore une fois de créer un fossé entre Denise et moi. »
Encore une fois, votre question reste sans réponse.
Ces exemples illustrent une forme spécifique de manipulation appelée « réattribution ». La personne narcissique ne se contente pas de distraire et de détourner l’attention ; elle va souvent jusqu’à rejeter la faute sur vous. Elle vous présente comme étant trop sensible, paranoïaque, dramatique ou irrationnel. Cette stratégie est particulièrement pernicieuse car elle vous laisse non seulement sans réponse, mais aussi avec un sentiment de culpabilité.
Dans les deux scénarios présentés, aucune résolution n’a été obtenue. Le problème reste entier et se représentera inévitablement. Mais le plus troublant, c’est que la personne ayant posé la question finit par se sentir pire qu’au début.
Dans le cas du couple, celui qui s’inquiète des heures supplémentaires est dépeint comme exigeant, mesquin et injuste. Le narcissique se présente comme une victime, un martyr qui travaille dur pour le bien commun, tandis que l’autre est culpabilisé : « Je travaille tard pour nous, pour la cuisine que TU voulais, et voilà comment tu me remercies. »
Dans l’exemple familial, le parent narcissique accuse son enfant adulte de créer des tensions avec sa petite-fille, de faire « tempête dans un verre d’eau ». Non seulement la question reste sans réponse, mais la personne se retrouve submergée d’émotions négatives et de culpabilité.
Cette incapacité à répondre aux questions directes rappelle un autre trait caractéristique des narcissiques : leur difficulté à répondre aux questions commençant par « pourquoi ». Les personnes narcissiques sont souvent déconnectées de leurs véritables motivations, en partie parce que confronter ces motivations les remplirait de honte.
Pensez-y : dans notre premier exemple, la véritable réponse de l’homme à son partenaire serait peut-être : « Oui, je suis sorti avec ma jeune collègue parce que je me sens insécurisé, j’ai besoin d’attention, et j’apprécie le pouvoir que j’ai sur elle en tant que supérieur hiérarchique. » Il est évident qu’une telle confession serait trop honteuse pour être formulée.
De plus, en raison de leur déficit d'empathie, ils sont incapables de fournir une réponse bienveillante comme : « Oui, j’étais dehors avec elle et d’autres collègues. C’était innocent, mais je suis désolé de ne pas t’avoir prévenu. Je comprends que cette situation te mette mal à l’aise, tu me l’as déjà fait remarquer. Je m’excuse et je veillerai à ne pas reproduire ce comportement. »
De même, dans l’exemple avec le parent, il est impensable que la mère admette : « Je n’ai pas de limites. Je considère que, puisque tu es mon enfant, tu me dois des informations sur ta vie. Je me sens en droit de les obtenir, et si tu ne me les donnes pas volontairement, je les obtiendrai par d’autres moyens, comme interroger ma petite-fille. Et peu m’importe si cela la perturbe ou crée des problèmes. »
La mère ne dira pas non plus : « Tu as raison, je ne devrais pas faire ça. Je m’excuse et je ferai attention à l’avenir. » Pourquoi ? Parce que les personnalités narcissiques n’assument aucune responsabilité pour leurs actions ou dans leurs relations.
Les personnes narcissiques évitent de répondre aux questions précises pour plusieurs raisons fondamentales :
Ces facteurs combinés expliquent pourquoi il est pratiquement impossible d’obtenir des réponses directes à des questions simples, particulièrement lorsque ces questions pourraient les mettre dans une position inconfortable.
Comment exactement les narcissiques évitent-ils de répondre aux questions ? Leur arsenal est varié :
Ces tactiques sont particulièrement efficaces contre les personnes qui ont des problèmes d’abandon, qui craignent la solitude ou qui ont tendance à culpabiliser facilement. Face à ces réactions, vous finissez par abandonner votre question, jugeant que la réponse ne vaut pas le conflit qu’elle génère, ou vous tentez d’apaiser le narcissique pour qu’il revienne vers vous.
Face à cette dynamique, que peut-on faire ?
Malheureusement, les options sont limitées. Il est impossible de mener sa vie comme si l’on vivait dans un tribunal ; on ne peut pas forcer quelqu’un à répondre à une question. Même en insistant, vous n’obtiendrez probablement pas de réponse honnête, ou alors ce sera un mensonge. Dans la grande majorité des cas, vous subirez une forme de réattribution qui vous laissera dans une position encore plus vulnérable.
La seule approche viable semble être une forme d’acceptation radicale. Les personnes narcissiques ne répondront pas à vos questions parce que cela les exposerait à la honte, parce qu’elles manquent de conscience d’elles-mêmes, et parce que vous n’obtiendrez même pas l'empathie minimale nécessaire pour une communication authentique. Pire encore, insister risque de vous exposer à des attaques blessantes.
Cela vaut-il vraiment la peine ? Dans la plupart des cas, la réponse est non.
À moins de les mettre dos au mur dans une situation très spécifique, il est extrêmement rare d’obtenir une réponse honnête d’une personne narcissique. Et même lorsqu’elles semblent céder et répondre, elles peuvent faire volte-face plus tard, reniant leurs propres paroles.
Cette incapacité s’explique aussi par le fait que la majeure partie de leurs ressources psychologiques est investie dans la gestion de leur image publique. L’impression qu’elles donnent aux autres est primordiale, au détriment d’une communication authentique et transparente.
Il est peut-être temps d’arrêter de courir après des réponses que vous n’obtiendrez jamais. Ce n’est certainement pas confortable d’accepter cette réalité, mais c’est sans doute nécessaire pour votre santé mentale. Même si vous parveniez à extirper une réponse, celle-ci serait probablement mensongère.
Bien sûr, dans certaines situations spécifiques comme un divorce, engager un détective privé pour obtenir des preuves tangibles peut être justifié. Mais dans le cadre des relations quotidiennes, il est généralement préférable de faire votre deuil de ces réponses et d’avancer sans elles.
Le chemin vers la guérison nécessite parfois de lâcher prise sur notre besoin de comprendre et de justifier. Certaines questions resteront sans réponse, et c’est peut-être mieux ainsi. L’énergie dépensée à poursuivre ces chimères pourrait être bien mieux investie dans votre propre développement et dans la construction de relations plus saines et authentiques.
Comprendre les mécanismes de manipulation des personnalités narcissiques est une première étape essentielle vers la libération. Si vous vous reconnaissez dans les situations décrites et souhaitez approfondir votre processus de guérison, sachez que vous n’êtes pas seul. Des ressources existent pour vous accompagner dans cette démarche.
J’ai créé le programme « Revivre » précisément pour aider les personnes qui ont été exposées à des relations toxiques avec des personnalités narcissiques. Ce programme propose des méthodes concrètes pour se reconstruire et établir des limites saines. Vous pouvez le découvrir sur revivre.club.
En fin de compte, accepter qu’il existe des personnes incapables de communiquer honnêtement n’est pas un aveu de défaite, mais un acte de libération. C’est reconnaître la réalité telle qu’elle est, non telle que nous voudrions qu’elle soit. Et c’est souvent le premier pas vers une existence plus sereine et authentique. (Cyril Malka)
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