(13/02-2024) – Quand on parle de chirurgie esthétique, on va parler surtout des procédures chirurgicales et non chirurgicales qui vont améliorer ou remodeler des structures corporelles pour améliorer l’apparence. C’est une activité qui va aller du bistouri jusqu’à des injections de botox ou de différentes techniques pour enlever les poches sous les yeux, les rides, etc.
La chirurgie esthétique est en pleine croissance ces 15, 20 dernières années.
Le marché mondial de la chirurgie esthétique est évalué à environ 60 milliards de dollars et il devrait atteindre 67 à 70 milliards de dollars d’ici 2026, si on continue à se développer de cette façon-là.
La chirurgie esthétique reste quelque chose de principalement féminin: les femmes représentent entre 92% et 95% de la clientèle (dépendamment des pays).
Les interventions chirurgicales les plus populaires sont le remodelage du nez, la chirurgie des paupières, le lifting, la liposuccion, l’augmentation mammaire et l’augmentation de la taille des fesses.
Il y a à première vue beaucoup d’avantages: c’est devenu relativement facile, aujourd’hui, on peut faire beaucoup de choses, on connaît tous plus ou moins quelqu’un également qui est passé sous le couteau et on sait ce que ça peut vouloir dire, on sait combien ça coûte, et enfin, il y a cette gratification immédiate.
C’est-à-dire que si on veut perdre du poids ou perdre le pneu qu’on a autour du ventre, cela peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années et demande des sacrifices.
À l’opposé, un coup de bistouri, une liposuccion et c’est la gratification immédiate.
De plus, aujourd’hui, on a l'embarras du choix et il y a tout un tourisme médical. On trouve des pays comme la Colombie, le Brésil, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Maroc, la Turquie où on peut se faire opérer à moindre prix.
Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de ce à quoi on s’attend, et ça peut donner des résultats surprenants, mais c’est un risque à courir.
Alors pourquoi est-ce que les gens vont se faire opérer ? En fin de compte, il y a deux principes, deux raisons les plus utilisées, qui sont relativement simples:
1) Augmenter l’estime de soi
2) Améliorer la satisfaction de l’image que l’on renvoie.
Il faut savoir qu’entre 95% et 98% des gens qui sont passés sur la table d’opération une fois, sont prêts à recommencer l’expérience. Ils sont prêts à avoir une autre opération pour le même sujet ou pour un autre sujet.
Ça peut être parce qu’ils ne sont pas satisfaits du résultat, mais ça peut également être parce qu’ils sont satisfaits du résultat et ont envie d’autres choses.
C’est un petit peu comme les tatouages: il y a très peu de personnes qui n’ont qu’un tatouage. À partir du moment où on se fait faire un tatouage, le plus souvent on va s’en faire faire un autre, puis un troisième, puis un quatrième, etc.
Cette amélioration de l’image de soi, de l’image qu’on renvoie est importante aujourd’hui parce que beaucoup ont le « syndrome Instagram »: il faudrait qu’on ressemble à notre photo photoshopée
Avant de mettre quelqu’un sous le bistouri, on oublie souvent d’essayer de comprendre les raisons sous-jacentes de l’opération. En gros, pourquoi est-ce que ce client désire corriger son image? Est-ce un manque de satisfaction, une déformation ou est-ce un trouble de santé mentale, une dépression, un trouble dysmorphique corporel, un trouble d’humeur?
Car si c’est le cas, le fait de s’allonger sur la table d’opération ne changera pas grand-chose.
Il y a pas mal d’études qui ont été faites sur la chirurgie esthétique et sur la satisfaction du client. En gros: Est-ce que la personne s’est sentie mieux après l’opération ou pas?
Avant de passer à des résultats plus généraux, il y a un domaine très controversé et difficile à comprendre et c’est celui de l’augmentation mammaire, donc les femmes qui désirent avoir de plus gros seins.
On trouve des études qui expliquent que de toutes les différentes chirurgies utilisées régulièrement, comme la chirurgie nasale et autres, il y a un plus haut taux de satisfaction du résultat dans la chirurgie mammaire que dans les autres.
Mais on trouve aussi des études internationales dans tous les pays du monde, et ça, c’est depuis les années 2000 jusqu’à aujourd’hui, qui indiquent qu’il y a un taux de suicide plus élevé chez les femmes qui ont subi une chirurgie d’augmentation mammaire que celles qui n’en ont pas eu.
Voyons quelques chiffres.
Dans une étude américaine sur le risque de suicide dans un groupe de plus de 13 000 femmes qui avaient subi une chirurgie esthétique d’augmentation mammaire, 14 ans après, on a constaté que le taux de mortalité standardisée (TMS), c’est-à-dire le rapport entre le taux de mortalité observé chez le groupe comparé au taux de mortalité dans le reste de la population, était de 1,54.
C’est-à-dire que pour une femme dans la population générale qui commettait un suicide aux États-Unis, il y en avait 1,54 qui avait subi une augmentation mammaire qui mettait fin à ses jours.
Après, 5 ans de plus, le taux était passé à 1,63. Donc plus le temps passait, et plus il y avait un risque de suicide.
En Suède, c’est Koot qui a fait une étude sur plus de 3 500 femmes suédoises, et là, le TMS était de 2,9 par rapport à la population générale. Et une étude sur les Finlandaises et Danoises pour le TMS a donné des chiffres de 4,26 et de 3,1 de taux de suicide par rapport à la population générale. (source)
Une chose étonnante est que ce sont des études faites selon des concepts différents, d’après des principes différents, sur des populations différentes et qu’on arrive toujours au même résultat. La différence étant la différence dans le taux de suicide.
Pour l’instant, l’explication de ces résultats reste inconnue. Personne ne peut expliquer ce phénomène.
Il y a quelques études qui peuvent indiquer des différences entre les femmes qui avaient ces implants en règle générale et les femmes de la population générale. On a par exemple constaté que contrairement aux femmes de la population générale, les femmes qui portaient des implants mammaires ont un indice de masse corporelle beaucoup plus faible, une plus grande probabilité d’être fumeuse, plus d’avortements provoqués, moins de naissances vivantes, des niveaux d’éducation inférieure, des âges plus précoces lors de leur premier accouchement et davantage de dépistage des maladies du sein.
Pour l’instant, on en est là et il nous faut encore d’autres études pour pouvoir en savoir plus sur ce point.
À part ce problème, les autres chiffres sont quand même beaucoup plus simples à comprendre. Il a été constaté que dans beaucoup de cas, après l’opération, le taux de satisfaction n’était pas très élevé.
En gros, les gens n’avaient pas une meilleure vie et ne se sentaient pas beaucoup mieux, etc.
L’une des plus grandes études qui a été faites était en Norvège.
On a suivi 1 597 adolescentes pendant 13 ans.
Ces 1 500 adolescentes ont été choisies totalement par hasard et on ne savait pas qui allait faire de la chirurgie esthétique et qui n’allait pas en faire.
Pendant ces 13 ans, les 78 filles qui ont eu recours à la chirurgie esthétique étaient plus susceptibles d’être anxieuses, déprimées et avaient une plus grande augmentation de ces symptômes au cours de cette période que celles qui n’étaient pas passées sous le bistouri.
Les conclusions ont été relativement claires: la chirurgie esthétique n’a pas abouti à un résultat positif. Aucune amélioration profonde n’a été constatée.
On a par contre constaté que le taux de satisfaction après la chirurgie est plus élevé pour les personnes qui sont plus âgées lorsqu’elles y ont recours que celles qui sont jeunes.
Par contre, on a constaté que les personnes qui se sont dites satisfaites cinq ans après la chirurgie ont une plus grande estime d’eux en ce qui concerne leur apparence physique, mais cela n’améliore pas leur estime d’eux en règle générale.
On a également constaté que le résultat est en règle générale très mauvais si on passe sous le bistouri pour sauver sa relation ou s’il y a désaccord sur l’opération dans le couple.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles on passe sous le bistouri.
Il y a cette envie de donner une meilleure image de soi, certes. C’est entré dans les mœurs depuis des millénaires. Ne serait-ce que par l’utilisation du maquillage pour cacher certaines imperfections ou mettre certains traits en évidence.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux font une pression pour que l’on donne une meilleure image de soi.
Et enfin, il y a également une peur du vieillissement dans notre société, une peur de la dégradation du corps. Et comme la technique est devenue de plus en plus performante et accessible, on l’utilise pour retarder ce moment le plus possible.
On peut le faire en prenant certaines règles de vie, mais on peut le faire aussi en donnant un petit coup de bistouri par-ci, par-là. Ce qui est plus facile et immédiat.
Dans ce cas, le problème principal est un problème d’acceptation.
Un problème d’acceptation de notre aspect physique, acceptation de nos petits défauts, de nos petits soucis. Personne n’est parfait, psychologiquement parlant, personne n’est parfait physiquement parlant, c’est ainsi.
Et c’est un petit peu l’idée de vouloir répondre à un standard qui bien entendu change avec le temps. Fut un temps, c’était la mode des petits seins, des fesses plus plates, aujourd’hui c’est le contraire et demain, ce sera autre chose. Et donc, on essaie de s’adapter à ce standard au lieu de s’accepter comme ne correspondant pas au standard du moment. Et il paraît plus facile de passer sous le bistouri.
À l’époque où j’habitais au Danemark, j’étais allé voir le musée des peintres de Skagen dans le nord du Jutland.
Entre ces peintres connus, il y avait un couple: Anna et Michael Ancher.
Une chose intéressante est que Anna Ancher, alors qu’elle était jeune, avait fait une chute de cheval qui lui avait cassé le nez. Cela lui avait déformé le nez.
Et, chose amusante, Michael Ancher, son mari, qui adorait sa femme, bizarrement, dans la grande majorité des portraits qu’il a peint de sa femme, il l’a peinte de profil, ce qui fait qu’on pouvait vraiment voir son nez cassé.
Il est évident que pour lui, c’était quelque chose qu’il aimait. Il aimait ce défaut chez sa femme, il aimait son nez cassé.
Je dirais que le fait de ne pas vouloir accepter certains de ses défauts fait aussi qu’on accepte moins bien les défauts des autres. Et c’est un petit peu dommage, parce que quelque chose qui peut paraître comme un défaut physique peut aussi être une caractéristique et peut devenir quelque chose qui nous caractérise et que d’autres personnes vont aimer. Tout le monde n’aimera pas, bien sûr, mais n’est-il pas plutôt important de plaire à la personne qui vous aime? Même si l’on a un nez cassé? Ou peut-être grâce à lui?
Lorsqu’on va chez le chirurgien esthétique pour quelque raison que ce soit, on doit avoir une ou plusieurs entrevues avec le chirurgien.
En règle générale, s’il n’y a pas de contre-indication médicale (par exemple trop d’opérations au même endroit ou autre), le chirurgien va généralement accepter l’opération.
Or, il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles les personnes vont demander à faire ces changements.
Il peut y avoir ce problème de confiance en soi, et ce manque d’acceptation. Sur ce point, ce n’est pas le travail du chirurgien d’étudier cela, c’est le travail d’un psychologue ou psychothérapeute. Du point de vue du chirurgien, si c’est ce que le client veut, il fait l’opération et on n’en parle plus.
Mais il y a d’autres soucis auxquels on devrait penser.
Il y a ce qui s’appelle le trouble dysmorphique corporel, ou la dysmorphophobie.
C’est extrêmement courant chez les gens qui sont intéressés par la chirurgie esthétique.
La dysmorphophobie est une préoccupation qui concerne un défaut d’apparence. Ce défaut d’apparence peut être très léger et il est très souvent non observable par les autres. C’est quelque chose que seule la personne touchée constate.
La personne qui souffre de dysmorphophobie devient obsédée par ce soi-disant défaut et peut aller à des comportements compulsifs et dangereux. L’anorexie est une dysmorphophobie.
Mais la dysmorphophobie peut être centrée sur n’importe quoi: la forme du nez, des yeux, des paupières, des mains…
D’après les études, alors qu’il y a entre 1% et 2% de dysmorphophobies dans la population générale, il y a entre au moins 7 % et jusqu’à 15%, voire 20% dans certains pays, des patients de la chirurgie esthétique qui souffrent de dysmorphophobie.
Il est donc logique que ce genre de patients n’aille pas mieux même après l’opération.
Elle trouvera un autre problème, ou elle ne sera pas satisfaite de l’opération et elle risque de continuer à aller de chirurgie esthétique en chirurgie esthétique, parce que le problème n’est ni la confiance en soi, ni une amélioration de l’image, mais la dysmorphophobie.
On a également constaté d’après les études que jusqu’à 44% des patients qui passent sous le bistouri esthétique souffrent de troubles de l’humeur.
Cela va être des personnes qui souffrent de dépression, d’anxiétés généralisées, d’angoisses, etc.
Ces problèmes vont être corrélés à une moindre estime de soi, car cela va sans dire qu’une mauvaise estime de soi va de pair avec la dépression, ou avec les angoisses. Souvent aussi, une moindre satisfaction de l’image que l’on envoie.
Donc si vous prenez les 44% qui ont des problèmes d’anxiété, de dépression, vous y ajoutez jusqu’au 20% des autres, on arrive quand même jusqu’à 64% de la clientèle (dépendamment des pays).
Ça fait quand même beaucoup.
Après, il ne faut pas oublier les personnes qui ont des troubles de la personnalité, comme le trouble de la personnalité narcissique et qui ont (entre autres) besoin d’admiration.
On s’est rendu compte que jusqu’à 25% des personnes qui avaient recours à la chirurgie esthétique souffraient de ce trouble narcissique.
On peut y ajouter entre 3% et 9% de personnalités histrioniques qui également ont été constatées.
Pour ce qui est de la personnalité narcissique, cette personne n’ira pas chez un psy, de toute façon. Il n’y a pas de possibilité d’amélioration ou de changement.
Il y a très peu de chance pour qu’une personnalité histrionique fasse le pas également.
Mais à part ça, reste quand même une forte proportion de personnes qui ont des problèmes de dépression, des problèmes de confiance en soi, des problèmes d’angoisse, et qui pourraient peut-être plutôt travailler avec un psy et éviter le bistouri afin d’avoir un résultat durable.
Parce que de toute évidence beaucoup des personnes qui de toute façon ont ces troubles les conservent même après être passées chez le chirurgien esthétique.
Il est vrai que le résultat peut paraître plus probant, plus rapide au début, parce que ça a un effet immédiat ou quasi immédiat pour ceux qui sont satisfaits du résultat, mais de toute façon généralement on risque de repasser sous le bistouri.
Donc est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux travailler sur son état psychologique et sur l’acceptation de certaines choses ? La question reste entière.
Personnellement, je dirais oui, mais je suis subjectif de par mon métier, bien entendu. (Cyril Malka)
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