(07/06-2023) – Pour commencer, ça ne s’appelle pas les personnalités multiples, ça s’appelle le trouble dissociatif de l’identité, parce qu’on dissocie différentes identités. Lorsqu’on utilisait le terme « trouble de la personnalité multiple », il était facile de penser qu’on parle d’un trouble de la personnalité, or ce n’est pas un trouble de la personnalité, on peut parfaitement avoir un trouble de la personnalité (personnalité narcissique, par exemple) et un TDI, c’est-à-dire un trouble dissociatif de l’identité en plus. L’un n'empêche pas l’autre. Donc aujourd’hui on utilise le terme Trouble Dissociatif de la Personnalité que l’on abrège par TDI
La première des questions que l’on pose généralement est «est-ce quelque chose de vrai ou est-ce seulement du cinéma ? »
Et oui, c’est une condition réelle et qui n’est pas aussi rare qu’on pourrait l’imaginer. Elle n’est pas non plus aussi fréquente que nous laissent croire les films bien entendu, mais ce n’est pas non plus une condition extrêmement rare. J’ai eu plusieurs patients qui ont souffert de ce trouble.
De plus c’est un trouble référencé dans le DSM, donc c’est quelque chose de tout à fait légitime et qui existe. Le problème est qu’il y a eu des représentations sensationnelles par les médias et que c’est un trouble pas très bien connu, ce qui fait qu’il y a eu beaucoup de mythes sur ce trouble. Et dans cet article, je vais tenter de remettre un petit peu d’ordre dans tout ça.
On va commencer par quelques-uns des mythes dont on parle quand on parle du TDI.
Le premier des mythes est que le TDI n’est pas réel, ce qui est donc faux. Le TDI est réel, c’est vraiment une condition qui existe.
Bien entendu, toutes les personnes qui disent souffrir de TDI ne disent pas nécessairement vrai. Il y a des personnes qui vont exploiter cette condition pour se faire de l’argent, pour se rendre intéressant ou pour autre chose. Cela existe tout comme vous allez avoir des personnes qui ont des troubles déficitaires de l’attention (TDA/H), et d’autres qui vont prétendre en avoir parce qu’elles n’ont pas envie de se concentrer, par exemple. Donc dans tout trouble, on va avoir des personnes qui vont utiliser ce trouble alors qu’ils ne l’ont pas pour obtenir un gain quelconque.
Cela ne veut pas dire que la condition en elle-même n’existe pas.
Beaucoup disent que le TDI est rare. Les chiffres disponibles en ce moment nous disent que le TDI touche environ 1 % à 1,5% de la population.
Il est néanmoins difficile de trouver des chiffres précis parce que beaucoup de personnes qui ont ces troubles ne consultent pas ou alors elles consultent pour autre chose et dans ce cas-là, elles ne sont pas catégorisées comme TDI. Il y a plusieurs comorbidités avec le TDI, ce qui fait que beaucoup de personnes vont être mises en traitement pour dépression ou autre et le TDI n’apparaîtra pas.
Certains disent et que le TDI n’est qu’une forme grave de trouble de la personnalité limite (ou trouble de la personnalité borderline).
Le fait est qu’un grand nombre de psychiatres ont commis cette erreur (et continuent à la commettre d’ailleurs) et catégorisent un TDI comme étant un borderline, alors que ce n’est pas le cas.
Les erreurs de diagnostic arrivent et cela ne veut pas dire que le TDI est un borderline. On parle de deux choses totalement différentes comme on le verra dans un instant.
C’est faux. Le TDI peut être diagnostiqué relativement facilement et il peut aussi être traité. Ce n’est pas toujours facile, mais j’en ai traité plusieurs et dépendamment du degré, ça peut prendre plus ou moins longtemps.
Si on y réfléchit un petit peu, on peut remarquer que presque tout le monde va se dissocier à l’occasion.
Par exemple lorsqu’on est en train de rêvasser ou lorsqu’on est en train de conduire et qu’on pense à autre chose. On a une déconnexion émotionnelle, une déconnexion de la réalité. On peut parfois entrer dans un état décontracté, un état modifié de conscience et être « dans la lune », comme on dit.
Bref, on peut parfaitement avoir ce genre de perturbation ou de comportement dans certains cas sans que ce soit quelque chose de problématique.
C’est une façon de fonctionner qui est inhérente à l’être humain, à notre cerveau, à notre façon de fonctionner. Il n’y a donc rien de très bizarre à ce que ce processus que l’on utilise de temps à autre puisse se développer et aller un peu plus loin et soit utilisé comme un système de défense psychologique.
C’est d’ailleurs régulièrement le cas.
D’après une foule de témoignages, il est relativement courant lorsqu’une femme se fait violer qu’elle se dissocie à un moment donné. C’est pour ça que souvent, elles ne font pas de résistance. Ce n’est pas parce qu’elles sont consentantes, mais c’est parce qu’elles se concentrent à se dissocier de l’expérience.
C’est le même phénomène qui nous est rapporté par des militaires qui ont été sujets à des tortures extrêmes: ils font de la dissociation pour supporter la douleur.
On utilise régulièrement la dissociation pour supporter un traumatisme quelconque.
Donc la dissociation n’a rien de spécialement fantastique ou incroyable, rare ou surnaturel. C’est un phénomène très courant que l’on utilise de temps à autre et à divers degrés. Que ce soit pour surmonter certaines difficultés ou même pour jouer quand on est enfant.
Il n’est pas nécessaire d’avoir tous ces symptômes pour diagnostiquer un TDI. Il peut y en avoir que quelques-uns, voire un seul.
Il peut également y avoir des signes plus subtils qui peuvent suggérer que vous avez une présence d’identité alternative, des alters comme on les appelle. Cela peut être des choses un petit peu déroutantes du quotidien qui n’ont pas vraiment d’explication.
Par exemple, vous trouvez régulièrement une paire de lunettes dans votre sac alors que vous ne portez pas de lunettes.
Ou votre coloc vous dit: « – Tiens, je t’ai entendu parler au téléphone hier, je ne savais pas que tu parlais italien, j’ai reconnu quelques mots, mais qu’est-ce que tu parlais bien dis-donc. Je suis allé en vacances en Italie, donc j’ai pu reconnaître, mais toi, vraiment, tu le parles super-bien! ». Ceci peut vous déstabiliser vu que la seule langue étrangère que vous parlez, c’est l’argot.
Ou alors un matin, vous ouvrez votre réfrigérateur et vous y trouvez un bon nombre d’aliments que vous ne vous souvenez pas à avoir acheté, et que vous n’avez pas pour habitude de consommer.
Ou alors en sortant, vous remarquez que vos chaussures préférées sont boueuses, alors qu’elles étaient parfaitement propres le matin même alors que vous ne vous souvenez pas être sorti.
Un de mes clients avait fait cette expérience: Il avait retrouvé un morceau de papier dans sa poche, avec quelques mots gribouillés dessus. Il reconnaissait le bloc note, il reconnaissait le stylo plume, mais il ne reconnaissait pas l’écriture manuscrite et il ne se souvenait ni de l’avoir écrit ni de comment il était arrivé dans sa poche et il ne comprenait pas le sens de cette note.
Au début, il croyait à une mauvaise blague et ça l’était peut-être, mais ça ne l’était peut-être pas.
Il n’y a pas de test pour identifier les symptômes du TDI.
Il faut que ce soit un psy qui connaisse ces symptômes, et ça, ça peut être problématique en France, car même si on prétend qu’il y a plus de cas de TDI aux États-Unis qu’ailleurs, surtout qu’en France, ce n’est pas exact.
S’il y a plus de cas aux États-Unis, c’est tout simplement parce qu’ils y sont dépistés aux États-Unis. Des études indiquent qu’on trouve le TDI à peu près dans les mêmes proportions dans tous les pays, mais qu’il faut que les psys de ces pays soient conscients de ce diagnostic et y pensent lorsqu’ils sont en présence d’un patient.
Avant de diagnostiquer le TDI, les professionnels qui connaissent ce syndrome vont commencer par exclure d’autres conditions médicales et de santé mentale: consommation de substances différentes, les troubles épileptiques bien entendu, et puis différentes psychoses.
Et là où est le souci en France est qu’on va souvent s’arrêter là en se disant que si on ne parle pas de consommation de substance, de troubles épileptiques, on est donc en face d’un cas de borderline ou de schizophrénie. Et c’est pour cette raison qu’en France on ne diagnostique pas vraiment ou que très peu les TDI.
Donc en parlant de tout ça avec le psy, ce qu’il va essayer de voir c’est si:
Ce qui peut poser problème est que le TDI arrive rarement seul. Il va très souvent y avoir d’autres problèmes qui vont y être liés. C’est ce qu’on appelle des comorbidités.
La plupart, mais pas toutes, des personnes qui répondent aux critères du TDI vivent souvent avec d’autres problèmes de santé mentale ou des symptômes de traumatisme et de détresse, notamment:
Les représentations médiatiques populaires de TDI ont mis la condition au premier plan. Et des films tels que Split, que j’ai beaucoup aimé ou Sybill ont fait du beau travail pour expliquer ce trouble.
Pourtant, toute presse n’est pas bonne presse.
Tout ce que ces représentations se trompent sur le TDI peut facilement alimenter plus de confusion et de peur de la condition – sans parler de l’idée totalement inexacte qui lie ce trouble à un comportement violent.
Le TDI ne rend pas quelqu’un violent.
Les recherches de 2017 ont trouvé peu de preuves suggérant que les personnes atteintes de ce trouble sont plus susceptibles d’adopter un comportement violent ou de commettre des actes illégaux que les personnes ne vivant pas avec ce trouble.
Par contre, oui, il peut y avoir des symptômes tels que des pensées suicidaires et l’automutilation. Les personnes vivant avec la condition peuvent être plus susceptibles de se faire du mal que n’importe qui d’autre. Mais c’est relativement logique vu que c’est le plus souvent lié à un traumatisme (voire plusieurs) et que beaucoup de patients sont aussi sujets à des états dépressifs, justement à cause dudit traumatisme.
Mais sinon, ce n’est donc pas parce que les personnes qui souffrent de TDI ne se souviennent pas de ce qu’elles ont fait hier ou ce matin, que ça veuille dire que ce qu’elles ont fait était illégal ou violent.
Le TDI n’implique pas toujours un « changement » drastique ou un changement de personnalité jusqu’à devenir l’opposé de ce qu’on est.
Les personnes très proches de vous pourraient remarquer des changements dans votre comportement ou votre discours. Mais là encore, ces différences sont souvent subtiles, de sorte qu’ils peuvent ne rien remarquer du tout. Vous ne le remarquerez peut-être pas non plus.
Il peut y avoir plusieurs raisons à ce trouble, mais il n’y en a pas beaucoup.
On parle généralement d’une réponse à un traumatisme.
Et ce traumatisme peut être:
Il peut y avoir certains facteurs qui peuvent aggraver la situation.
Il s’agit de:
La seule solution qu’on connaît pour l’instant c’est la psychothérapie.
Donc là aussi, dire que le TDI est impossible à traiter n’est qu’un autre mythe. C’est totalement faux et ça se traite très bien. Néanmoins, ça peut prendre plus ou moins longtemps. En règle générale, cela m’a pris entre cinq et sept ans, dépendamment de la gravité de la situation.
Il n’y a pas de médicament pour traiter le TDI. Il y a bien entendu des médicaments pour traiter les symptômes de comorbidité comme la dépression, l’anxiété, etc., mais par pour le TDI.
Donc en gros, il n’y a pas de médicament contre le TDI. Il n’y a aucun remède miracle, simple et rapide. Pour l’instant, il y a seulement la thérapie plus ou moins longue avec un thérapeute qui connaît et reconnaît la problématique. (Cyril Malka)
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