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L’être humain n’est pas conçu pour être heureux

(11/08-2019) – L’industrie du bonheur et de la pensée positive est estimée peser environ 10 milliards d’euros. D’après cette industrie, le bonheur est un but réaliste.

Trouver le bonheur est un concept très américain qui depuis a été exporté dans le monde entier au travers de la culture populaire. C’est un concept juteux, car il tient un concept en vie que la réalité refuse de nous donner.

Pourquoi?Tout simplement parce que même lorsque nos besoins matériels et biologiques sont satisfaits, le bonheur reste théorétique et nous échappe.

La première personne à avoir parlé de ça est le calife de Cordoba au Xe siècle, Abd-al-Rahman III. 
Il était une des personnes les plus puissantes de l’époque et il avait eu une foule de succès militaires et culturels. Dans sa vie de tous les jours, tous ses besoins et envies étaient satisfaits et il prenait souvent plaisir avec les belles femmes de ses deux harems.

Néanmoins, lorsqu’il s’est décidé à compter le nombre de jours dans sa vie où il s’est senti heureux, il en a dénombré 14.

Le bonheur est une construction humaine. C’est une idée abstraite qui n’a aucune équivalence dans l’expérience humaine.

Les affects positifs et négatifs sont dans le cerveau, mais le bonheur n’a aucune base biologique.

Et même si ça peut paraître paradoxal, il y a de quoi en être heureux.

L’être humain n’est pas conçu pour être heureux. Nous sommes conçus pour survivre et pour nous reproduire, tout comme tous les autres animaux ici bas.

Dame Nature

La nature décourage l’idée du bonheur tout simplement, car dans ce cas, nous allons baisser notre garde et être à la merci de différentes menaces à notre survie.

Le fait que la nature ait doté notre cerveau d’un grand lobe frontal, qui nous donne de très bonnes possibilités d’analyse et d’exécution, et si peu de possibilités pour être heureux, nous en dit long sur les priorités de Dame Nature.

On retrouve différents circuits et les localités de différentes fonctions neurologiques et intellectuelles dans le cerveau, mais aucune construction neurologique ne contient le bonheur.

En fait, certains experts indiquent que si la dépression existe toujours aujourd’hui, malgré les désavantages de ce comportement pour la survie, c’est parce que la dépression joue un rôle utile en cas d’adversité: Elle aide l’individu à se désengager de situations potentiellement dangereuses qu’il ne peut pas surmonter. Et la rumination dépressive serait une fonction qui participe à résoudre les problèmes dans les temps difficiles (étude en anglais, ici)

Question de morale

L’industrie du bonheur qui est très active en ce moment est en partie enracinée dans les codes moraux du christianisme. D’après ces codes, il y a une raison morale à notre malheur. Il s’agit, disent-ils, de notre manque de moral, de notre égoïsme et de notre matérialisme. Ils prêchent un état d’équilibre psychologique au travers de la renonciation, du détachement et de tenir nos désirs à distance.

En fait, ces stratégies essayent de trouver un remède contre notre impossibilité à être constamment heureux. Mais en fait, ce n’est pas de notre faute, c’est dans notre code génétique.

Heureux et malheureux

Nos émotions sont mélangées, emmêlées les unes dans les autres et, des fois, contradictoires, tout comme tout dans notre vie.

La recherche a démontré que les émotions négatives et positives peuvent parfaitement exister en même temps dans notre cerveau. D’après ce modèle (voir l’article, en anglais, ici) l’hémisphère droit de notre cerveau gère de préférence les émotions négatives alors que les émotions positives sont gérées par l’hémisphère gauche.

Il est important de se souvenir que nous ne sommes pas conçus pour être constamment heureux. Nous sommes conçus pour survivre et pour nous reproduire. Ce sont des tâches difficiles et c’est pour ça qu’il nous faut nous battre et surmonter une foule de problèmes, il nous faut rechercher la gratification et la sécurité, il nous faut confronter les menaces et éviter la douleur.

Le modèle des émotions en compétition et l’existence du plaisir et de la douleur côte à côte est plus adapté à notre réalité que cette idée inatteignable que l’industrie du bonheur travaille si dur à nous faire gober.

En fait, prétendre que quelque degré de douleur que ce soit est malsain ou pathologique ne peut que renforcer la frustration de l’individu et sa croyance qu’il n’est pas adapté, mal équilibré ou autre.

Oui, ça peut paraître négatif de dire que le bonheur n’existe pas, mais la consolation est que l’insatisfaction n’est pas un échec personnel et que si vous vous sentez malheureux de temps à autre, cela n’est pas un manque que vous avez, ce n’est pas anormal comme les gourous du bonheur veulent vous faire croire. Cette fluctuation est tout simplement ce qui vous rend humain. (Cyril Malka)

© 2019 – Malka

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