L’attaque est la meilleure défense

Le maquillage et non la Bible semble être la spécialité de la Watch Tower inc.

Le gros problème de la Watch Tower était maintenant que beaucoup de Témoins de Jéhovah se souvenaient de cette convention. De plus, n’oublions pas que cette déclaration avait été copiée en plusieurs millions d’exemplaires et que la lettre à Hitler était également en bon état.

Ceci veut donc dire, que la Watch Tower avait maintenant un problème grave à résoudre. Ou bien on admettait que ça n’était pas seulement l’église catholique et protestante qui avait « forniqué avec la prostituée de Babylone », mais la Watch Tower elle-même.

Ou alors, on essayait d’expliquer ça d’une autre manière.

On décida de trouver un bouc émissaire, et dans ce cas, ce fut donc le coordinateur de la Watch Tower de cette époque : Paul Balzereit.

Vous pouvez trouver la version officielle de la Watch Tower (en anglais) comme décrite dans leur livre annuel de 1974 ici. Mais en gros, ce que la Watch Tower explique est que Paul Balzereit a eu peur des éventuelles retombées.

La déclaration avait été écrite en anglais par le juge et donc traduite en allemand par Paul Balzereit. Toujours d’après le livre annuel de 1974 à peu près 7000 Témoins de Jéhovah étaient là, mais beaucoup furent déçu de par le contenu de cette déclaration.

Paul Balzereit avait eu peur et avait donc « affaibli » cette résolution. Un grand nombre de frères ont nié d’adopter cette résolution pour ces mêmes raisons.

Mais bien que cette résolution eu été affaiblie, le gouvernement nazi poursuivit les Témoins de Jéhovah.

larsenJørgen Larsen, le coordinateur des Témoins de Jéhovah au Danemark va même plus loin lorsqu’il écrit un article le 29 octobre 1993 en réponse à ces questions critiques dans Holbæk Amts Venstreblad (Journal local de Holbæk, en Sjælland, localité où se trouve le siège principal de la Watch Tower au Danemark).

D’après Jørgen Larsen :

Un des dirigeants Témoins de Jéhovah allemands nommé Balzereit a essayé de rendre le ton [de cette résolution] plus amical. Lui-même était une personne peureuse et craintive des poursuites. À un moment donné, il s’est même enfui en Tchécoslovaquie. Il fut arrêté quand même par les autorités allemandes, et durant le procès, il dénia sa croyance. Les nazis se sont raillés de lui, dû à sa lâcheté. Après la guerre, il devint un adversaire des Témoins de Jéhovah, ses anciens amis et coreligionnaires.

Balzereit est ici dépeint comme un lâche, vicieux et sans remords. C’est donc à dire qu’on ne peut se fier à une personne de ce genre.

Mais dans ce cas, plusieurs questions se posent :

– La déclaration était écrite en anglais, et traduite en Allemand. Comment se fait-il que les deux versions soient aussi proches l’une de l’autre ?
– Le style assez emphatique de cette déclaration est clairement le style et la plume de Rutherford. Il a laissé suffisamment de ce genre de documents pour que l’on puisse le voir.
– D’où, un allemand comme Balzereit connaît-il une expression américaine, de New York même comme : « Ce fait est si manifeste aux Etats-Unis, qu’il y a un proverbe vis-à-vis de New York qui dit: « Les Juifs la possèdent, les catholiques irlandais y font la loi et les Américains payent les notes ».
– Tout le monde a oublié que Rutherford a utilisé cette même méthode en 1918 aux États-Unis pour essayer d’échapper à l'emprisonnement. Le premier et le quinze juin 1918, dans le magasine de la Tour de Garde, les étudiants de la Bible sont appelés à prier pour la victoire alliée contre l »autocratie » allemande.
– Enfin, il me paraît incroyable, que le juge Rutherford, avec son style direct, arrogant et despotique laisse passer une insubordination de la sorte sans faire plus de raffut.

Pour finir, admettons que les arguments que je viens de donner soient discutables. Le fait est que cette déclaration est publiée comme un document officiel de la Watch Tower ! Ceci rend indubitablement le Juge Rutherford et ses cohortes directement responsables de ce qui apparaît clairement être un document antisémitique incontestable et une tentative de passer outre aux notions claironnées de neutralité chrétienne, dans l’espoir de pouvoir continuer leur prêche en Allemagne.

Ceci veut dire tout simplement que la direction de la Watch Tower, tout comme les dirigeants de beaucoup d’autres religions, de sectes et d’organisations sous le troisième Reich a été coupable de trahir leurs plus chères valeurs sous certaines circonstances. Point à la ligne !

Mais non seulement on nie les faits, non seulement on fait porter le chapeau à un tiers, Balzereit, mais on a d’autres explications :

Les drapeaux avec croix gammées ont plusieurs explications. Certains disent, photos à l’appui, qu’il n’y avait aucun drapeau à cet endroit. D’autres disent qu’il y en avait, mais qu’on n’avait pas le droit de les enlever.

L’ancien coordinateur des Témoins en Allemagne, Konrad Franke, qui nous donne ce témoignage n’avait aucune raison de mentir. Il était connu jusqu’à sa mort, le 31 juillet 1983, comme un Témoin fidèle et croyant. Voyez sur ce sujet la Tour de Garde du premier novembre 1983, page 31.

Je me permets donc de douter du bon aloi de personnes et des documentations montrant des photos de rassemblement sans drapeaux. Ce genre de photos peut être pris n’importe où ou bien traitées par Photoshop.

De plus, Jørgen Larsen, toujours dans son article de Holbæk Amts Venstreblad nous dit :

« – Bien sur, il y avait des drapeaux nazis. À l’époque, tout comme aujourd’hui, lorsque nous louons des stades ou des salles, celles-ci sont souvent décorées de drapeaux, et il était interdit de les enlever  »

Une explication qui, n’étant pas satisfaisante, peut être plausible. Plus plausible en tout cas que l’explication avec à l’appui des photos de source incertaine.

Konrad Franke nous explique également que le chant choisi fut sur l’air de Deutschland, Deutschland über Alles. Ici les critiques de la Watch Tower sont plus unanimes.

Il ne s’agit pas de la chanson Deutschland, Deutschland über Alles , mais de la chanson numéro 64 de leur recueil de psaumes. Ce chant s’appelle Zions herliche Hoffnung et est sur la mélodie de Joseph Haydn. Ce chant était dans le répertoire des Témoins de Jéhovah depuis 1905 et ne devint l’hymne allemand qu’en 1922. Et Jørgen Larsen prétend même le fait de chanter ça ne prouvait aucune sympathie envers ni l’Allemagne, ni l’Autriche.

De même manière, on argumente que le texte sur Sion ne pouvait pas avoir de motif nazi.

Et là, on détourne la question :

Konrad Franke attire l’attention non sur le fait que les Témoins de Jéhovah ont chanté Deutschland, Deutschland über Alles, mais qu’ils ont chanté un chant qu’ils n’ont pas chanté pendant plusieurs années.

Pourquoi n’ont-ils pas chanté ce chant depuis plusieurs années ? Pourquoi ont-ils chanté ce chant précisément ce jour et pas un autre ? On ne peut que deviner la réponse… Surtout lorsqu’on prend le contenu de cette déclaration en considération.

Enfin, le Juge Rutherford, en plus de retirer « l’héritage de peuple de Dieu » des juifs d’une manière, dont le moins qu’on puisse en dire est qu’elle est assez revêche, a plusieurs fois été cité pour des orientations antisémitiques. Oralement, comme par écrit.

Je ne veux pas ici citer les témoignages oraux, mais nous pouvons voir ce qu’il a écrit dans Vindication (que j’ai cité sur l’autre page) et par exemple dans son livre Enemies écrit et publié par Rutherford en 1937.

Dans ce livre Rutherford attaque non seulement les juifs du clergé et ses organisations qu’il dénomme comme : « Le clergé yiddish  » , « Les organisations Yiddishs » et « Ces pauvres imbéciles » (Page 222-223). Rutherford dit également :

« Entre les instruments, qu’elle [la hiérarchie de l’église catholique romaine] utilise, se trouvent les hommes ultraégoïstes appelés « Juifs ». Ils ne pensent qu’à leur gain personnel et pour cette raison sont toujours prêts à s’allier et à joindre cette Hiérarchie de n’importe quelle manière » (page 281)

Ce point de vue, combiné avec celui de Vindication s'emboîte très bien dans le tout.

D’après ce que je constate, tout ça s'emboîte mieux que ces histoires bizarres :

La lettre est falsifiée, la déclaration mal traduite, les drapeaux n’étaient pas là (ou nous n’avions pas le droit de les enlever) et le chant était choisi tout à fait par hasard et n’a absolument rien à voir avec tout ça.

Finalement, la Watch Tower cite souvent le livre de Christine King pour démontrer ce que l’on sait déjà : Les Témoins de Jéhovah ont été poursuivis par les nazis. Et il est amusant de constater que dans ce même livre de Christine King, cette fameuse résolution est citée, et la Watch Tower est dépeinte en termes un peu moins flatteurs. Par exemple, cette résolution est dénommée comme :

« – Ce document est une pièce de maître et est digne des quatre sectes qui soutenaient d’une manière ou d’une autre, l’état nazi  »

Un peu plus loin (page 152 du même livre!), Christine King écrit:

« – Ayant essayé de prouver leur loyauté de citoyens par leur Déclaration, après avoir interprété et expliqué leurs doctrines de manière à apaiser les peurs et préoccupations du régime. La Déclaration était construite de manière à adoucir les peurs et à offrir un compromis, les Témoins donnent l’impression de s’attendre à moins de persécution.

Cette déclaration, ne condamnait-elle pas dos à dos les nazis la Société des Nations ? N’avait-elle pas décrit le gouvernement National Socialiste comme se dressant contre les injustices souffertes par les Allemands depuis 1919 ? Et ne s’était-elle pas terminée par une lettre d’appel au Führer ?  »

Comme Christine King le dit, comme les faits nous le prouvent, la Watch Tower avait espéré, en condamnant les juifs, les Nations Unies dans cette déclaration et en envoyant une lettre de soutiens au chancelier espéré sauver la mise. Ce prix fût que les Témoins de Jéhovah furent poursuivit de toute manière, peut-être même de manière plus acariâtre qu’ils ne l’auraient été.

L’antisémitisme du Juge Rutherford pouvait ici trouver une niche.

En bon chrétien comme ils se prétendent, la Watch Tower se devrait d’arrêter ses accusations contre les prêtres ayant commis les mêmes fautes qu’eux et il serait équitable et de bon ton qu’au lieu de se perdre en fausses accusations, et de jeter la suspicion sur ceux qui racontent l’Histoire comme elle est, ils rédigent une excuse au peuple juif et à ceux dont ils ont souillé le nom dans leur essai de défense qui est tout aussi futile que mensongère.

© Cyril Malka – 1998.

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