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Secte et acceptation de soi-même

(10/02-1997) – Une secte a une vue bien spécifique sur le monde hors de la secte, et un langage spécial. On peut dire la même chose des groupes qui travaillent contre les sectes ; ils leur ressemblent de manière surprenante. La solution du problème est que l’individu doit apprendre à s’accepter comme il est.

Les nouveaux mouvements religieux et les victimes des sectes qui suivent dans leur sillage, sont maintenant monnaie courante.

Lorsque j’ai commencé dans la matière, en 1988, j’ai rencontré beaucoup de regards étonnés autour de moi. Qu’un religieux fanatique s’occupe des sectes, soit… Mais qu’est-ce que ça pouvait faire en relation avec la psychologie et la psychanalyse ?

Ça a donc étonné beaucoup de gens lorsque, après que j’ai eu fini mes études de psychanalyse, en plus de la psychanalyse et psychothérapie courante, je me suis jeté dans les mouvements religieux et sectaires.

Il y avait déjà des organisations qui s’occupaient de ça, mais la plupart étaient basées sur une base ecclésiastique, et le moins que l’on puisse dire était qu’il y avait une peur de prise de contact entre celles-ci et les psychologues et thérapeutes.

Aujourd’hui, plus ou moins dix ans après, il y a par exemple le forum théologie-psychologie à Århus est un signe de coopération, ou en tout cas un pas dans la bonne direction, dans une tentative de rapprocher les deux matières l’une de l’autre.

Petit à petit, j’ai étendu ma collaboration avec différentes organisations ici et à l’étranger et celles-ci peuvent être religieuses ou non. Et plus personne ne me regarde bizarrement… Le problème sectaire commence à être une évidence pour tout le monde.

Mais petit à petit, j’ai remarqué quelque chose de bizarre…

C’est comme si, de même manière que l’on peut voir un fil rouge au travers des sectes et de leurs victimes, de même manière on peut voir ce même fil rouge au travers de certaines des organisations qui s’occupent d’informer le public et d’aider les victimes des sectes.

Avant que je continue cet article, il nous faut regarder un peu sur les victimes des sectes avec les lunettes psychologiques…

Généralement, dans chaque secte, il y a un genre de « compréhension programmée », qui se base sur deux bases importantes : L’une est la vue de la secte sur le monde extérieur, qui est différente de la vue de la secte sur elle-même. L’autre est un langage bien défini et une compréhension du langage qui est autre que celui utilisé dans le monde à l’extérieur de la secte.

Si on regarde n’importe quelle secte, on verra, en plus de ces deux éléments, quatre éléments importants en commun : une compréhension de valeur, une menace, un espoir et un code de conduite.

La compréhension de valeur est changée de manière à ce que la valeur de la personnalité n’existe que dans la secte. On est seulement reconnu, respecté et aimé là. Au dehors de la secte, on ne peut trouver que des dangers, de l’immoralité, la mort et l’impureté. La valeur de la personne sera méconnue, méprisée ou mise en danger.

C’est là qu’on joue sur le complexe d’infériorité. On a une menace constante au-dessus de la tête. La menace est symbolisée sous la forme d’un ou de plusieurs adversaires. Ceux-ci peuvent être physiques (par exemple, certaines personnes) ou spirituels (par exemple Satan, des démons, l’inconscient.) Les adversaires seront détruits lors d’une bataille ; qui peut être la guerre près de Harmaguédon (le jugement dernier) ou bien une bataille contre les démons ou bien encore un combat pour se contrôler, se surpasser ou bien se surmonter, tout dépend de la secte de laquelle nous parlons.

Nous avons également un espoir, un but et un idéal.

L’espoir est de surmonter le mal pour arriver au but. Le but : immortalité, vie éternelle, réincarnation ou quoi que ce soit d’autre est mis en perspective par l’idéal. L’idéal peut être un prêtre, un gourou, un maître ou autre.

Très souvent, ceux-ci trouvent plaisir à se montrer comme n’étant « pas plus que les autres », c’est à dire qu’au premier abord, ceux-ci se présentent comme étant humbles, mais quand même très sages.

Enfin, il y a le code de conduite, qui est tracé et symbolisé par la conduite de gourou, ce code donne la possibilité de gagner le combat pour arriver au but et surmonter la menace.

On est l’un des seuls chanceux, un des élus, qui obtiendra ceci. Tout simplement, car on a une valeur.

Bien entendu, il y a beaucoup d’autres choses, mais je suis obligé de généraliser un peu et de simplifier de manière à ce que ceci soit compréhensible pour tous, et de plus je suis limité à un certain nombre de lignes.

Mais l’une des notions qu’il nous faut retenir dans tout ceci, est valeur personnelle. Nous y reviendrons dans un instant.

Que se passe-t-il lorsque quelqu’un sort ou se fait expulser d’une secte ?

Généralement, ça vient du fait que l’un des points ci-dessus est tombé. Tout dépend de la secte, mais ça sera ou le combat qui se fait attendre, le gourou qui ne répond pas à ce qu’il prêche, le code de conduite qui a été transgressé ou bien changé de manière inadéquate. Ça peut être l’espoir qui s’avère inaccessible ou qui peut être obtenu d’autre manière que celles prescrites. Ou bien la menace qui s’avère être à tort.

Il est rare que ça ne soit qu’un de ces points qui craque. Généralement, ce sont tous ces points qui se délacent petit à petit, puis un des points tombe et le château de cartes s’écroule (1).

L’autre point sur lequel j’aimerais revenir est cette compréhension de valeur personnelle.

Dans une secte, quelle qu’elle soit, le membre a une grande importance. Chaque membre est plus ou moins choisi, élu. Choisi ou élu pour sauver le monde, le convertir, le changer, survivre dans un nouveau monde… Bref, le rôle de la personne dans la secte, qui en fin de compte n’est rien d’autre qu’une micro-société, est très élevé et important.

Untel doit se conduire d’une certaine manière et à un rôle très spécial et important, non seulement pour la secte, mais pour l’humanité. Les erreurs ou manques d’un des membres peuvent même, d’après certaines sectes avoir des retombées énormes pour le reste de l’humanité.

Disons-le, c’est une grosse responsabilité et un lourd fardeau qui est porté par chaque membre ! Le tout est accroché ensemble dans une compréhension très holistique. Un membre de la secte essayera toujours de faire des comparaisons et de voir des associations sur tout ce qui se passe dans le monde extérieur et sa vie dans la secte, son activité, les prophéties annoncées. On pourrait dire qu’un membre d’une secte est presque obnubilé par la pensée de trouver des comparaisons. Ça n’est que de cette manière qu’il peut garder sa valeur personnelle et le sentiment d’être plus qu’important pour le monde environnant.

Et c’est maintenant que ça devient évocateur !

J’ai beaucoup dialogué par oral et par écrit avec différents groupes dans le monde, qui ou bien occupent de sectes en général ou bien qui occupent des victimes d’une secte en particulier. De plus, au travers de l’Internet, j’ai ces deux dernières années lu pas mal de, ce qu’on appelle news, où les participants parlent entre eux de mouvements religieux et de sectes. De plus, il y a aussi des listes de diffusion. C’est un peu la même chose que les news, mais on reçoit les lettres dans sa boîte à lettres personnelle plutôt que sur les news publiques.

Et c’est là que j’ai remarqué que certaines de ces organisations, qui combattent certaines sectes, ressemblent étrangement à ces mêmes mouvements.

Certains groupes ont une tendance à considérer une certaine personne comme étant chef ou dirigeant. Cette personne deviendra le nouvel idéal et hop la ! La nouvelle organisation démarre et tourne toujours autour des mêmes points importants que la secte qu’elle est censée combattre.

La menace est maintenant la secte. Leur espoir et leur but sont de combattre la secte, soit en la pacifiant soit même en la détruisant.

Souvent, le combat commence comme une campagne d’information sur la secte, mais devient rapidement une tentative d’essayer d’annihiler la secte en utilisant tous les moyens possibles.

Souvent, c’est à ce moment qu’il y a un déchirement de l’association, et ce qui, à l’origine était une association, se divise maintenant en deux, trois ou même plus. Chaque groupe est sûr d’être en possession de la seule vérité (cette fois, sur la secte, pas sur le monde) et peuvent aller jusqu’à se combattre les uns les autres autant qu’ils combattent la secte.

C’est pour cela que l’on a un code de conduite, qui varie d’association (ou de groupe) en association. Maintenant, on appelle ceci « un règlement » et il doit être respecté.

Certaines de ces règles sont des règles officielles, d’autre limitent ce qui doit être dit dans l’association, et dans le nom de l’association et par qui. Ce code est en apparence une bonne chose, mais il peut aussi cacher quelque chose de plus grave, à savoir : que peut-on dire à l’intérieur de groupe ? Ceci n’est pas nécessairement écrit. Ces groupes ont également leurs vaches sacrées.

En gros, nous pouvons dire que ce groupe se contente de remplacer ce qui se trouve à l’intérieur des cartons marqués : But, combat, menace, code de conduite. Mais leurs structures psychiques et leur manière de penser sont toujours les mêmes.

On construit une incarnation de l’ennemi. Cette incarnation, au départ, est la secte, mais après quelque temps, aussi ceux qui sont si infortunés de ne pas accepter une destruction totale ou une guerre contre la secte. L’ennemi devient « le diable et toute son oeuvre » et ceci ne comprend pas seulement la secte, mais aussi ceux qui ne sont pas d’accord avec le groupe. Tout ceci a sa racine dans cette pensée holistique : tout se ressemble.

Spécialement sur les news, j’ai remarqué que divers groupe ou associations se dénigrent mutuellement au lieu d’utiliser leurs forces à informer sur la secte qu’ils sont censés combattre. J’ai également vu ce problème chez mes patients.

Le problème est que les patients peuvent avoir du mal à laisser tomber les codes de valeur qu’ils avaient, lorsqu’ils étaient membres de la secte, s’ils font ça, ils perdent leur valeur personnelle. C’est pour cette raison, que si on lit certains de mes premiers textes (environ 1992), on verra qu’une bonne partie de mon travail consistait à rendre aux patients leur valeur personnelle, en dehors de la secte. C’est quelque chose qu’on fait beaucoup en psychologie moderne : rendre aux clients leur confiance en soi et sentiment de valeur.

Et ceci est en fait le cœur du problème !

Le sentiment de valeur est une question d’estimation, et en même temps que le côté positif, il y aura toujours le risque que ce côté positif tourne au négatif.

Je suis ici obligé de donner une explication plus précise…

Nous bâtissons l’idée de valeur ou d’infériorité d’après certaines choses que nous faisons bien ou mal. Il y des choses que nous faisons presque parfaitement, d’autre que nous ne pouvons pas faire. Il y a certains de nos côtés dont nous sommes fiers, ça peut être une qualité, une particularité, notre physionomie ou notre popularité. Une personne populaire sera naturellement plus importante.

Le principe du traitement est de faire comprendre au client, que bien que n’étant pas directeur d’entreprise, il ait une valeur. Et de là, tirer des qualités positives : tu dessines bien, tu es compréhensif… donc, tu as une valeur quand même.

Et ce qu’on fait là est une erreur !

Que se passe-t-il le jour où la personne est par exemple défigurée ? Dans ce cas, il n’est plus beau ? Que se passe-t-il le jour où il ne peut plus dessiner ou trouve une personne dessinant bien mieux que lui ? Que passe-t-il le jour où il commet plus d’erreurs et devient donc moins populaire ? Le sentiment de valeur tombe…

Tant que nous opérons avec le concept de valeur, nous opérons également avec le concept d’infériorité. Tant qu’il y a un plus quelque part, il y a aussi un moins ailleurs et ça n’est que question de temps lorsqu’il réapparaîtra… Et ce jour-là, il n’est pas sûr que nous pouvons être remontés !

Tant qu’on essaye d’obtenir une haute valeur personnelle, on sera dans la zone rouge surtout lorsqu’ils travaillent avec les notions de but, combat… Car dans ce cas, on travaille toujours avec les notions d’amis et d’ennemis…

C’est pour ça que dans mes méthodes de traitement et dans mes articles plus récents, j’ai radicalement changé ces points de vue !

Le but est tout d’abord d’essayer d’obtenir l’acceptation de soi-même ! Et il y a une différence fondamentale entre le sentiment de valeur et l’acceptation de soi-même !

L’acceptation de soi-même est l’acceptation de soi avec les erreurs et les manques dont on est sujet. C’est accepter qu’on ne puisse pas toujours sauver l’humanité, accepter qu’on ne soit pas toujours en possession de la pierre philosophale et que personne n’est en possession de la vérité… Même pas un nouveau mouvement religieux.

Seulement là, on sera capable de pouvoir informer de manière pertinente sur un mouvement, sans juger, et de cette manière on sera capable de venir en aide à plusieurs personnes.

©1997 – Cyril Malka – publié dans Kristeligt Dagblad le 10. février 1997.

Notes

(1) Pour plus d’informations sur ce phénomène, voyez le texte : Lorsque l’édifice s’écroule – assimilation et accommodation.

(2) Voyez le texte : Attendent dans un enfer le paradis promis.

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