Lorsque l’angoisse devient un symbole

La psychologie est une chose, et la psychanalyse est une tout autre chose ! Quelle est la différence ? Un psychologue s'occupe, entre autres, de gens qui sont en crise. Il est question d'une situation d'urgence où on creuse un peu, mais, en fin de compte, pas spécialement beaucoup. La psychanalyse, par contre, est presque de la spéléologie ! On creuse jusqu'aux premiers souvenirs (très souvent jusqu'à l'âge d'un an et demi, deux ans) sans autres méthodes que la parole. Je dois avouer que personnellement, et jusqu'ici, je n'ai jamais pu creuser plus loin que jusqu'à l'âge de deux ans, deux ans et demi, mais ça peut être amplement suffisant !

Du fait où je m'occupe de gens ayant des problèmes dus à des mouvements religieux, et qui sont dans un genre de crise assez spéciale (il n'est pas là question de crise “psychique”, mais de crise “existentielle”), je suis obligé de jouer d'abord le rôle de psychologue pour, petit à petit, me soustraire au rôle de psychologue et entrer dans le rôle d'analyste.

La “Psychologie des profondeurs” de Jes Bertelsen

En danois, on appelle également la psychanalyse: “psychologie des profondeurs”, car on utilise les mêmes méthodes que la psychologie, c'est à dire, des conversations. Mais en psychanalyse on remonte plus en arrière dans la mémoire et on trouve et travaille la source de différentes névroses.

Après avoir appris le danois, j'ai examiné ce que le Danemark avait de littérature sur la psychologie. J'ai trouvé un livre intitulé : “Psychologie des profondeurs”, de Jes Bertelsen . Je l'achetai donc et commençai à le lire. Je dois admettre que je ne trouvais pas que ce que je lisais était en relation avec la psychanalyse. En réalité, on pourrait tout à fait, d'après moi, faire abstraction de Jes Bertelsen pour ce qui est de la psychologie ou de la psychanalyse. Les idées de Jes Bertelsen n'ont, toujours d'après moi, absolument rien à voir avec cette matière. Le problème est seulement que je suis tombé sur lui (ou sa doctrine) plus de fois que je n'aie apprécié. Malheureusement, souvent en relation avec des personnes qui étaient grièvement endommagées psychiquement.

J'aimerais ici me dépêcher d'ajouter que je n'ai encore jamais pris de patients “en charge” directement après Jes Bertelsen , seulement après d'autres “thérapeutes” qui ont été influencés ou se disent être inspirés de lui. Sur cette base, Jes Bertelsen peut toujours dire: “- Ah oui, mais j'ai été mal compris. Ça n'était pas ce que j'avais dit.”

Mais, vu sous un autre angle, on pourrait être sujet à penser qu'une technique, une méthode, qui peut exclusivement être utilisée par “l'inventeur” ne peut pas être utile pour beaucoup de gens, n'est-ce pas ?

De la névrose au développement personnel

Comme analyste, j'ai été obligé, au Danemark d'aujourd'hui, de m'occuper de choses qui n'ont apparemment rien à voir avec la psychanalyse: Les Chacras, la philosophie orientale et beaucoup d'autres choses. Les sciences occultes, et même un peu de science-fiction.

Aujourd'hui, on utilise plus la thérapie pour venir à bout des névroses. C'est devenu une mode. On utilise la “thérapie” pour le “développement personnel”, et ceci crée, d'une manière bizarre, une bonne part de névroses compliquées, de psychonévrose et même de psychoses. Donc : Au lieu d'améliorer une situation assez simple, on crée une situation qui est pire et malheureusement pas toujours récupérable

Un mini cours dans l'âme humaine

Mais… comment crée-t-on un tel pêle-mêle dans l'âme humaine, et plus important encore, comment ressort-on les gens de ce bric-à-brac? Là, je suis obligé d'initier les lecteurs aux mystères de la psyché (vu du côté de la psychanalyse).

– L'Inconscient,
– le Préconscient
– et le Conscient

Aujourd'hui, tout le monde sait que nous sommes en possession d'une partie consciente de nous-mêmes, et d'une partie inconsciente. Mais, au fond, qu'est-ce que c'est que ces trucs-là ?

L'Inconscient est un genre de chambre, un fichier où tous nos souvenirs, nos expériences, etc. sont mis en ordre. C'est un genre de “fichier à plusieurs dimensions”. Si nous comparons l'Inconscient avec le fichier d'une bibliothèque, le même livre pourrait être trouvé sous plusieurs angles différents. Par exemple, nous pourrions trouver le livre “La ferme Africaine ” sous la rubrique “Blixen”, “Karen”, “Biographie”, “Géographie” etc. En gros nous pourrions dire que nos souvenirs, nos expériences et nos sentiments sont emmagasinés dans notre “fichier” inconscient de la même manière.

Certains de ces souvenirs peuvent être tirés sans problème de l'Inconscient au Conscient. C'est exactement ce qui se passe lorsque nous nous racontons des blagues. Une personne raconte une blague à une autre personne, cette blague rappelle (pas toujours d'une façon évidente au premier) l'autre, une autre blague, etc.

Mais il y a un problème : Certaines de ces expériences, certains de ces souvenirs dans ce fichier sont malheureusement rattachés au sentiment d'aversion (Sentiment négatif dû à une/des expériences négatives ou dû à des traumatismes). Ces souvenirs sont appelés inconscients d'une manière dynamique. Ils ne peuvent pas “tout simplement” sortir, car ils sont protégés par des mécanismes de défense. Le travail de l'analyste est donc de “percer” ces mécanismes de défense.

Puis nous avons le Préconscient. Lorsqu'une pulsion, ou un souvenir, doit passer de l'Inconscient au Conscient, il lui faut d'abord passer par une “censure”. Le censeur “regarde” la pulsion et dit: “- D'accord, tu peux passer”, et il n'y a aucun problème. La pulsion continue son chemin jusqu'au Préconscient. Là, elle est toujours inconsciente, mais elle peut être “vue” du Conscient et être tirée sans problème.

Si la pulsion est rattachée à un sentiment d'aversion, elle ne pourra par contre pas recevoir l'approbation de la censure et elle sera rejetée là d'où elle vient. On dit que cette pulsion est refoulée. Ça, j'y reviendrai plus tard.

Enfin, nous avons le Conscient. C'est en fait, tout un système appelé “perception-conscience”. Le Conscient n'est pas placé “au-dessus ” du Préconscient et de l'Inconscient. Il est placé tout autour. Le Conscient est la partie de la psyché qui reçoit les informations internes et externes (les stimulations) qu'une personne reçoit. C'est à dire les informations de désirs et d'aversion ainsi que toutes les informations du monde extérieur. Dans le Conscient, il n'y a pas de trace de stimulation antérieure, comme il y en a dans l'Inconscient. C'est à dire qu'aucune énergie psychique n'est liée où que ce soit. Rien que pour retenir des souvenirs empreints d'aversion à distance, nous sommes obligés d'utiliser une quantité considérable d'énergie psychique. Non, bien au contraire, le Conscient a une énergie très mobile. Cette énergie est capable “d'avaler” n'importe quel élément. Dans le langage courant, nous appelons ce phénomène : la concentration.

Le Conscient a un rôle important dans le traitement psychanalytique: on rend certaines représentations qui étaient inconscientes, conscientes. Par contre, le Conscient ne joue aucun rôle dans la défense.

Prenons un exemple d'un souvenir bloqué qui ne peut être rappelé dû à “quelque chose”, qui, à l'époque a été compris comme un “traumatisme.”

Gabriel au four

J'ai deux enfants ; Filip, qui a trois ans, et Gabriel qui a un an. J'étais assis dans le salon, et ma femme était dans la cuisine avec les deux enfants. Elle était en train de sortir des pâtisseries viennoises du four. Gabriel était très intéressé (et il avait aussi sûrement faim… Il a toujours faim cet enfant !) et voulait absolument attraper ces gâteaux. Ma femme essayait de tenir Gabriel à distance. Je pouvais entendre la voix de ma femme, venant de la cuisine: “- Gabriel, arrête. Pousse-toi ! Non ! Mais pousse-toi, enfin ! Tu veux te brûler la tête ?”

Filip courut jusqu'à moi: “-Papa, Papa, Gabriel veut se brûler la tête !” Fou rire du papa !

Filip eut rapidement la bonne explication, et rien d'autre n'arriva (pour ceux étant toujours dans le doute: Gabriel n'eut pas la tête brûlée, et il eut sa pâtisserie viennoise qu'il avait bien méritée). Mais la phrase, elle-même, le malentendu du sens aurait pu avoir de toutes autres conséquences dans d'autres circonstances. Théoriquement, cet événement aurait pu provoquer un “traumatisme”, une fixation. Supposons que ça soit le cas.

L'enfant va être obligé de se “protéger contre” cet événement. Il y aura donc une défense. Il pourra y avoir d'autres événement dans le courant de l'enfance, de la puberté, de l'âge adulte qui bâtiront sur cet événement, le rendant méconnaissable, déformé et agrandi. Ça correspond un peu aux villes antiques où on construisait une nouvelle ville sur les ruines de la vieille.

Un refoulement déguisé

Imaginons-nous que cet événement doit se déplacer de l'Inconscient au Conscient dans le courant de la journée, et qu'il soit donc lié à un sentiment d'angoisse (la peur du châtiment, par exemple). S’il n'était pas lié à l'angoisse, il aurait été tiré sans problème et raconté comme un simple souvenir d'enfance. Mais lorsque l'événement essaye de passer à travers le système psychique, la censure arrive et lui dit: “- Non, non ! Tu es lié avec le sentiment d'aversion (ici : l'angoisse). Tu repars d'où tu viens.”

Maintenant, la pulsion peut faire plusieurs choses. Elle peur “revenir” dans l'Inconscient et y rester. Dans ce cas, il s'agit tout simplement d'un refoulement. Ou alors, elle peut “tricher”. C'est à dire se “déguiser” pour passer la censure. C'est ce qu'on appelle une “formation substitutive”. Celle-ci sera acceptée par la censure et se manifestera comme un “acte manqué” (Lapsus, oubli, “mot d'esprit” qui souvent frise le ” mauvais goût” etc.) ou alors, un rêve. Dans ce cas, la pulsion s'est transformée en symbole.

Ce que je viens de décrire ici est lorsque tout va bien. Si ça va mal, le souvenir forme un symptôme (angoisse, hystérie, etc.) et là, c'est une autre histoire.

La voie royale de l'Inconscient

C'est pour cette raison que la “voie royale de l'Inconscient” est: le rêve. C'est à partir de ça que je travaille comme analyste. Je dois tout remonter dans l'autre sens. Du fait où les actes manqués ne surgissent pas à la demande, et du fait où nous ne pouvons pas être en situation thérapeutique et nous dire des blagues, nous travaillons surtout à partir de rêves. Puisque tous ces processus (actes manqués, mots d'esprit, rêves) sont parallèles. Lorsque nous provoquons un processus (l'analyse de rêves) nous provoquons forcément les autres (par exemple les actes manqués).

En analysant les sentiments et les actes manqués qui se produisent alors, je provoque plus de rêves, plus de symboles, plus de souvenirs et plus de rêves.

Parallèlement à tout ça, je suis, comme analyste, sujet à un transfert du patient vers moi. En ouvrant sa vie d'âme et ses sentiments envers moi, le patient me donne un rôle et des sentiments. Le patient est obligé de faire ça du fait où, en situation thérapeutique, je suis totalement passif. Le patient ne me connaît pas. Nous obtenons un genre d'”amitié à sens unique” ou d' “amour à sens unique”, et c'est ce dont je me sers pour analyser.

La tête en feu

Reprenons maintenant mon pauvre fils dont le petit frère devait avoir la tête brûlée. Plaçons cet événement dans l'Inconscient et disons que, dû à différentes raisons, cet événement est refoulé et essaye de resurgir comme un symbole dans un des rêves de mon fils, plusieurs années plus tard.

Disons que sa femme a fait des pâtisseries viennoises. La nuit d'après, Filip peut très bien (toujours du point de vue théorique) rêver par exemple, de l'archange Gabriel avec une auréole de feu autour de la tête, ou du petit frère, grièvement brûlé, ou de lui même, grièvement brûlé ou mieux: Sa femme avec du feu autour de la tête (un genre de vengeance inconsciente) ou alors, il pourrait tout simplement y avoir du feu dans le four et l'archange vole au-dessus, etc. Les possibilités sont infinies.

Au lieu d'analyser ce rêve de manière classique, on pourrait faire beaucoup de choses avec ça, et c'est là que Jes Bertelsen entre dans la danse.

On pourrait, par exemple méditer sur différents Chacras. Par exemple le plexus qui, d'après Jes Bertelsen et d'après la tradition est en relation avec le feu. On pourrait aussi “entrer” dans le rêve, s'y déplacer et essayer de faire différentes choses avec le feu de ce rêve. Ou bien, on pourrait supposer que l'auréole autour de la tête de l'archange est un symbole de sagesse. Là aussi, il y a pas mal de possibilités.

Une nouvelle réalité liée à l'angoisse

Mais il y a un problème : on utilise et abuse des symboles pour obtenir quelque chose d'autre : une nouvelle réalité.

On entre à l'intérieur de l'Inconscient. On joue le jeu de l'Inconscient, on y vit. On entre dans un autre monde, dans une autre réalité.

Le problème est que cette réalité est composée de souvenirs refoulés qui sont liés à l'aversion, à l'angoisse. Mais tout ça n'est pas analysé. On utilise d'autres symboles pour symboliser les symboles. Et, petit à petit, la réalité devient de plus en plus estompée, de plus en plus irréelle, de plus en plus indifférente.

L'explication de ce qui arrive est en fin de compte simple. Reprenons notre exemple du feu. Sur le plan réel, le feu, c'est des flammes. Quelque chose qui brûle et qui peut être utilisé à des fins différentes. Toujours en me tenant à notre exemple construit avec mon fils aîné, Filip, qui maintenant a grandi, pour lui, le feu est devenu une fantaisie personnelle. Il est à l'intérieur de son Inconscient, et il est lié à son petit frère, sa mère, les pâtisseries viennoises, etc. C'est son expérience à lui. De plus, pour garder notre “concept du fichier”: Tout comme “Maman” peut être lié dans tous les sens avec d'autres sentiments différents, des refoulements, etc. “Feu” peut l'être également. Par exemple, si “feu” était lié à des symboles sexuels, Filip pourrait, dans le pire des cas, devenir pyromane ! Il y a une multitude de liaisons dans tous les sens.

Mais en méditant sur le symbole, on ne résout aucun problème. Au contraire. Toutes ses considérations énumérées plus haut sur la psyché de l'être humain sont par rapport à la “réalité” et tout cela est en fin de compte sans importance pour certains des thérapeutes modernes. Nous autres nous trouvons sur un “plan assez bas”. Donc tout ce système de la psyché contenant l'Inconscient, le Conscient et ce qui s'en suit, dessiné plus haut est totalement ignoré. Il est considéré comme étant sans importance.

Au lieu de ça, on construit une réalité méditative qui se trouve à côté de la “fantaisie”. Une nouvelle réalité construite sur la pensée orientale qui est considérée comme étant plus importante que notre réalité de “tous les jours”. Si tu obtiens la “paix” dans cette réalité nouvellement bâtie, tout est considéré comme étant bien.

Après cela, on prend “feu” et on médite sur ce sujet sur un nouveau “plan de réalité”. De cette manière, on attache une nouvelle problématique à ce “feu”, et cette problématique est placée dans une fantaisie… On pourrait appeler cela une “nouvelle fantaisie”, il n'y a ni censure, ni obstacle. Ceci pour la bonne raison que l'on a laissé tomber ce concept depuis longtemps.

Nous prenons alors cette fantaisie et ajoutons un nouvel élément, dans notre cas, par exemple : le plexus. Ceci devient donc la réalité. De cette réalité, on a une recherche méditative sur le plexus, qui elle cherche a entrer dans une nouvelle fantaisie.

On pourrait dire que l'on place une nouvelle réalité sous l'Inconscient, par voie détournée et en passant en dehors de la censure, et que l'on crée un nouvel Inconscient sans censure (ou comprenant une nouvelle censure, ceci dépend du thérapeute) sous l'Inconscient.

Déjà là, le patient se trouve dans un genre de labyrinthe dont il est très difficile de sortir, pour ne pas dire que c'est souvent malheureusement impossible.

De plus, nous avons également la position du thérapeute. Le thérapeute qui “guide” le patient dans ce “nouveau” monde n'a pas moins de trois rôles : Au premier échelon, il est thérapeute et objet d'amour et de haine du patient. Au “stade intermédiaire” le thérapeute contrôle et le patient et le pouvoir des symboles. Le thérapeute prend un rôle de “prêtre”, d' “ambassadeur” d'une puissance plus grande (lisez : divine !). Au troisième échelon, le thérapeute est devenu divin et même… Dieu lui-même !

Ici, il est question d'un patient qui se trouve dans un état si proche de la psychose, que ça finit souvent de cette manière. Cette personne ne peut pas être sauvée par voie médicale, mais des psychiatres peuvent, à l'aide de différents psychotropes (“calmants”) atténuer certains symptômes.

J'entre dans le monde du patient

Lorsque j'ai un patient de ce genre en analyse, il est question d'une toute autre méthode que la méthode psychanalytique “classique”. Je me bats contre plusieurs problèmes.

La première chose que je suis obligé de faire est de “lâcher tout mon savoir”, me passer de ma propre réalité et de me plonger dans celle du patient. Ce n'est pas facile et ça peut avoir des moments difficiles et dangereux. On peut dire que j'essaye d'entrer dans le monde du patient, aux conditions du patient et dans les représentations du patient.

Ce que j'essaye de faire est, en fin de compte, le contraire de ce que le patient a été victime. Là où le patient est entré dans le monde divin du thérapeute, nous faisons le contraire. Lorsque je me trouve là, dans le monde du patient, j'essaye de trouver une parallèle ou un “point d'attache” dans le monde “précédent”. Ça dépend donc de quelle “nouvelle réalité” ou de quelle “nouvelle fantaisie” dans laquelle le patient se trouve au point de départ.

C'est un peu comme si je me trouvais en possession d'un jeu de cartes qui a été éparpillé dans toute une maison. J'essaye d'abord de rassembler toutes les “cartes” en me déplaçant de “chambre en chambre” et ensuite j'essaye de trouver la “boîte” dans laquelle ces cartes devraient se trouver, la “chambre” dans laquelle elles appartiennent et enfin, le “tiroir” dans lequel elles ont leur place.

Ça peut peut-être avoir l'air bizarre, mais c'est ce qui se passe. J'essaye de rassembler ce qui va de pair avant que nous (le patient et moi) sortions d' “un des mondes” pour passer au “précédent”. Là encore, nous rassemblons le tout à l'aide de, et avec, ce que nous avons “ramené” du monde où nous “étions”, et nous continuons notre route. Après, nous passons à un “autre jeu de cartes” et procédons de la même manière jusqu'à ce que nous arrivons à la fantaisie qui appartient à “notre monde”.

Avoir peur de ne pas pouvoir revenir moi-même !

Le tout est un long voyage avec des allers et retours. Et je dois avouer qu'il m'est arrivé d'avoir peur de ne pas pouvoir revenir moi-même !

De là vient mon scepticisme sur les méthodes que Jes Bertelsen utilise et “prêche”. Ce qu'il m'est arrivé de rencontrer est assez effrayant, bien que je sois analyste et que j'en aie vu des vertes et des pas mûres.

Il est évident, dans les cas énumérés, que le patient et moi ne pouvons jamais réunir toutes les “cartes”. Certaines d'entres elles resteront là à tout jamais. Lorsque le processus est fini, je me trouve vis-à-vis d'un patient qui souffre d'une grave névrose. Et à partir de là, je me trouve “sur mon terrain”, et le prochain problème commence !

Il arrive que certaines choses refoulées qui remontent à la surface soient assez puissantes, émouvantes et douloureuses. Le patient peut avoir une tendance à vouloir se réfugier dans le “monde” qu'il ou elle sait se trouve quelque part “à l'intérieur”, car ce qu'il reste est un joli pêle-mêle. Il est beaucoup plus facile de se contenter d' “éteindre la lumière” et de sortir plutôt que de commencer à “mettre en ordre”.

De plus, au début, je “jouais d'après les règles de la “divinité” antérieure”, je ne le fais plus. Pour le patient, qui aimerait une nouvelle forme de “divinité”, il est évident de me prendre. Le problème est que je ne suis pas une divinité est que mon rôle d'analyste est beaucoup plus terre-à-terre.

Alors, je continue à “trier les lentilles” avec le patient : ça, mon ami, ce n'est pas de la psychanalyse, mais de la religion. Ou le contraire. Il faut comprendre les concepts “croyance” et “science/savoir”. Il y a des choses auxquelles tu crois, d'autres choses sont arrivées, et c'est le savoir.

Voici comment on peut (assez brièvement et en gros) expliquer ce qui se passe lorsqu'on mélange la psychanalyse, la psychologie, la philosophie orientale et la méditation en une “science universelle”. Ce qui peut arriver en l'espace d'à peine deux ans, prend au moins le double à réparer.

Avec un peu de chance, du travail ardu, avec de la sueur et des larmes, on peut réparer ça. Mais malheureusement, pas dans tous les cas. certains sont tout simplement trop loin pour que l'on puisse “les ramener”. Et certains d'entre eux… Je n'ose tout simplement pas les avoir en analyse. De plus, du fait où c'est un travail très éprouvant, le nombre de personnes de ce genre que je puisse avoir en analyse est limité.

Des fois, on est tenté de penser que la seule chose à faire pour ces gens, est de prier pour eux. Mais ça aussi, c'est une question de croyance.

© Cyril Malka – 1993-1998. Paru dans IKON – Juin 1993.

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