(20/03-2025) – Est-ce que ça vous est déjà arrivé qu’une personne narcissique vous traite vous de narcissique ? C’est profondément ironique, mais c’est une expérience étonnamment commune pour ceux qui ont eu le malheur de côtoyer de près une personnalité narcissique.
L’ironie narcissique : quand l’accusateur détient ce qu’il projette
Cette situation particulière se produit rarement par hasard. En fait, elle apparaît généralement à un moment très précis de votre relation avec le narcissique.
Le moment déclencheur : votre début de guérison
En règle générale, l’accusation de narcissisme surgit lorsque vous commencez à vous libérer de l'emprise relationnelle toxique. Ce moment correspond souvent à l’une de ces situations : vous entamez un processus de guérison émotionnelle, vous commencez à comprendre les mécanismes de manipulation à l’œuvre, ou vous vous rapprochez de ce qu’on appelle « l’acceptation radicale ».
L’acceptation radicale, c’est ce moment où vous reconnaissez pleinement que votre partenaire est narcissique et que le problème fondamental ne vient pas de vous. Cette prise de conscience est profondément menaçante pour la personne narcissique. Après tout, comment pourrait-elle maintenir son emprise si vous refusez de porter le fardeau de tous les problèmes ?
Les comportements qui « trahissent » votre évolution
Lorsque vous commencez à accepter la réalité de votre situation, votre comportement change naturellement. Vous pouvez par exemple affirmer davantage vos besoins dans la relation, établir des limites que vous n’osiez pas poser auparavant, exprimer vos opinions plus librement, ne plus réagir aussi intensément aux provocations et aux disputes, ou encore vous investir dans des activités personnelles qui ne tournent pas autour du narcissique.
En somme, vous arrêtez de vous façonner en fonction de l’autre. Vous ne vous définissez plus uniquement par rapport à cette personne et à sa satisfaction. Vous cessez de courir dans tous les sens pour anticiper ses désirs et combler ses attentes.
Ces changements, bien que parfaitement sains dans une relation équilibrée, représentent une menace existentielle pour la personne narcissique. Comment osez-vous avoir une existence qui ne gravite pas entièrement autour d’elle?
Quelle audace de suggérer que vous pourriez avoir des besoins personnels qui méritent d’être considérés !
La logique tordue derrière l’accusation de narcissisme
Pour le narcissique, l’équation est d’une simplicité désarmante : vous ne faites plus ce qu’il veut, donc vous êtes égoïste. Et puisque pour beaucoup de personnes qui n’ont pas étudié le sujet en profondeur, le narcissisme se résume à « quelqu’un qui est égoïste et qui aime se regarder dans le miroir », le narcissique en déduit que vous êtes narcissique.
C’est pourquoi il faut faire preuve de prudence lorsqu’on entend quelqu’un utiliser à tout-va des expressions comme « PN » (personnalité narcissique) ou qualifier facilement les autres de « narcissiques ». La plupart du temps, ces personnes ne connaissent pas les subtilités et la complexité de ce trouble de la personnalité. Elles ne parlent pas des nuances d’abus psychologiques, de la réalitorsion, de la manipulation, du besoin d’approvisionnement narcissique, ou des masques sociaux que portent les véritables narcissiques.
Pour ces personnes, un narcissique, c’est simplement quelqu’un qui s’aime trop et qui fait ce qu’il veut. Et malheureusement, c’est aussi la vision simpliste que le narcissique lui-même adopte lorsqu’il explore superficiellement le sujet après avoir été confronté à l’accusation.
Le scénario de retournement
Imaginons que vous ayez osé qualifier votre partenaire de narcissique (ce que, soit dit en passant, je déconseille fortement). Curiosité piquée, il va peut-être regarder quelques vidéos sur le sujet ou lire quelques articles. Il ne cherchera pas à comprendre en profondeur, mais plutôt à construire un récit qui vous incrimine.
Et voilà le processus typique : il va observer vos comportements à travers ce prisme déformé. « Tiens, l’autre jour, elle a refusé de faire ce que je lui demandais… manque d'empathie évident, donc narcissisme. » Ou encore : « Il n’était pas d’accord avec moi sur ce point… quel égoïsme, typiquement narcissique. » Ou le classique : « Elle m’a demandé de faire la vaisselle sur un ton que je n’ai pas apprécié… tentative de manipulation, contrôle, narcissisme à l’état pur. »
Comme je l’ai expliqué dans d’autres articles, cette matrice de déplacement de la faute est un élément constitutif du narcissisme. Quand ils se sentent accusés de quelque chose, même à juste titre, leur réflexe immédiat est de retourner l’accusation contre vous. C’est pourquoi, encore une fois, il est généralement contre-productif de les confronter directement avec le terme « narcissique » – cela ne fera qu’aggraver la situation et vous exposer à un retour de flamme.

La projection : arme psychologique favorite du narcissique
La projection est un mécanisme de défense psychologique qui opère au niveau inconscient. La personne qui projette ne se dit pas consciemment : « Je vais attribuer ce défaut que je déteste chez moi à cette autre personne. » Non, c’est un processus automatique qui déplace les aspects inconfortables ou inacceptables de soi vers autrui.
Pour le narcissique, la projection sert à maintenir son sentiment grandiose de perfection. Si leurs actions ne correspondent pas à l’image idéalisée qu’ils ont d’eux-mêmes, le décalage génère un sentiment de honte insupportable. La projection permet d’évacuer cette honte en l’attribuant à quelqu’un d’autre.
C’est pour cette raison que vous vous retrouvez souvent accusé exactement des comportements dont le narcissique est coupable. À noter que ce phénomène, bien qu’il partage des points communs avec la projection classique en psychologie, présente des particularités propres au narcissisme. Je consacrerai probablement un article spécifique à ce sujet pour explorer ces nuances.
Il est important de préciser que les narcissiques ne sont pas des psychopathes ou des sociopathes. Ces derniers n’éprouvent ni remords ni conscience morale. Les narcissiques, eux, savent généralement distinguer les comportements appropriés des comportements inappropriés. Le problème, c’est que leur impulsivité et leur centration excessive sur eux-mêmes les poussent à agir malgré tout de façon problématique.
Lorsqu’ils se sentent vraiment mal après avoir agi de manière répréhensible, la projection sur vous devient un mécanisme de soulagement psychique. Vous accuser de narcissisme s’inscrit donc dans ce tableau plus large de la réalitorsion : c’est une manière de vous mettre sous pression et de vous obliger à vous remettre en question.
Le piège du doute et l’auto-questionnement
Et le plus terrible dans tout ça ? Ça fonctionne. Vraiment bien.
Au fil des années de ma pratique thérapeutique, j’ai perdu le compte du nombre de clients qui m’ont confié leurs doutes après avoir été accusés de narcissisme par leur partenaire narcissique. « Et si c’était moi le problème ? Et si c’était moi le narcissique ? » Cette question revient sans cesse, accompagnée de culpabilité et de remises en question douloureuses.
« J’ai vraiment dit des choses que je n’aurais pas dû dire… Peut-être que je suis le narcissique finalement ? Peut-être que je n’aurais pas dû penser ou exprimer ça ? »
Remarquez que ces questionnements naissent précisément chez des personnes capables d’introspection et qui osent consulter un thérapeute – chose qu’un véritable narcissique ne ferait jamais de son propre chef (ou alors avec un agenda très différent, certainement pas pour remettre en question son propre comportement).
Les personnes névrosées normales – comme vous et moi – sont capables de se remettre en question, d’éprouver du doute, et d’être profondément perturbées par la possibilité d’être narcissiques elles-mêmes. Ce doute même est la preuve que vous n’êtes probablement pas narcissique.
Si vous avez suivi mes précédentes vidéos ou si vous participez à mon programme de guérison (https://revivre.club, petite publicité au passage), vous connaissez déjà les caractéristiques définitoires du narcissisme. Mais l’accusation peut être si déstabilisante qu’il est parfois nécessaire de vous rappeler les fondamentaux.
Rappel : qu’est-ce qui fait réellement un narcissique ?
Un narcissique présente un ensemble de traits spécifiques, et non pas quelques comportements isolés :
- Un déficit profond d'empathie
- Une impression constante que tout lui est dû
- Une grandiosité disproportionnée
- Une recherche constante de validation externe
- Une arrogance caractéristique
- Un égocentrisme démesuré
- Un besoin de contrôle sur autrui
- Une impulsivité marquée
- Une colère mal régulée, culminant parfois en rage narcissique quand les choses ne vont pas comme prévu
Il faut présenter la majorité de ces caractéristiques, de manière persistante et envahissante, pour correspondre au profil narcissique.
Poster des photos de vous sur Instagram ne fait pas de vous un narcissique. Consacrer une heure par jour à la salle de sport pour maintenir votre santé n’est pas du narcissisme. Être trop épuisé après une longue journée pour écouter attentivement les problèmes récurrents d’un ami ne témoigne pas d’un manque d'empathie pathologique.
Pourtant, le narcissique s’accrochera à ces comportements isolés pour étayer son accusation. « Tu as retouché ta photo avant de la poster sur Instagram pour cacher tes rides ? Et après, c’est moi que tu traites de narcissique ? » Absurde, n’est-ce pas ? Ces comparaisons superficielles ne résistent pas à l’analyse, mais elles peuvent être terriblement efficaces pour semer le doute chez quelqu’un qui n’est pas fermement ancré dans sa connaissance de soi.
Comment résister à l’accusation de narcissisme
La recette pour ne pas tomber dans ce piège est finalement assez simple, bien que sa mise en œuvre puisse être difficile en pratique : connaissez-vous vous-même.
Reconnaissez votre capacité d'empathie. Admettez vos qualités comme vos défauts. Acceptez que vous n’êtes ni parfait, ni monstrueux. Et surtout, surtout, ne vous engagez pas dans des discussions interminables avec le narcissique sur ce sujet. Ces débats sont conçus pour vous épuiser émotionnellement et vous faire douter de votre propre perception de la réalité.
Gardez en vous la conviction profonde que vous savez qui vous êtes, et que cette accusation ne reflète pas votre réalité.
Pourquoi le narcissique vous traite de narcissique : les véritables motivations
En définitive, la personne narcissique vous accuse de narcissisme parce qu’elle est complètement dépourvue de conscience réflexive. Elle n’a aucune perspective sur ses propres défauts, aucun recul sur ses comportements problématiques. Cette accusation est simplement sa façon de contrôler le récit, de maintenir une vision grandiose d’elle-même, et de continuer à dominer la relation.
C’est un objectif simple : vous déstabiliser pour maintenir son emprise. Rien de plus, rien de moins.
L’importance cruciale de la connaissance de soi
Face à ces situations, il devient vital de prendre le temps d’explorer qui vous êtes vraiment. Si cette démarche vous semble difficile, n’hésitez pas à consulter un psychologue qui comprend les dynamiques narcissiques. Il ne s’agit pas nécessairement de vous « améliorer » ou de « travailler sur vous-même » à ce stade, mais simplement de vous connaître authentiquement.
Vous savez au fond de vous que vous avez une capacité d'empathie fonctionnelle. Vous savez que vous n’êtes pas fondamentalement arrogant. Vous savez que vous êtes généralement respectueux envers les autres, même si – soyons honnêtes – personne n’est respectueux envers tout le monde en toutes circonstances (prétendre le contraire serait franchement ridicule).
Mais de façon générale, vous entretenez des relations saines avec d’autres personnes. Vous pouvez passer une journée entière sans vérifier compulsivement combien de likes vous avez reçus sur Instagram ou Facebook. Vous n’avez pas besoin d’une validation constante de dizaines de personnes vous répétant à quel point vous êtes formidable, intelligent ou séduisant.
Et surtout, vous n’avez pas besoin de manipuler les autres pour satisfaire vos besoins fondamentaux.
Donc non, vous n’êtes pas narcissique. Ne laissez pas quelqu’un vous convaincre du contraire par pur intérêt personnel. Ne mordez pas à l’hameçon qu’on vous tend délibérément.
Conclusion : garder le cap malgré les accusations
Quand un narcissique vous traite de narcissique, rappelez-vous que c’est en réalité un signe que vous progressez vers votre libération. C’est la preuve que vous commencez à échapper à son emprise, et qu’il doit recourir à des tactiques plus extrêmes pour tenter de vous ramener sous son contrôle.
Cette accusation, aussi déstabilisante soit-elle, peut donc être interprétée positivement : elle indique que vous reprenez progressivement votre autonomie et que la personne narcissique le perçoit comme une menace pour sa domination.
Loin d’être un motif de culpabilité ou de remise en question destructrice, cette situation devrait renforcer votre détermination à poursuivre votre chemin de guérison. Votre valeur ne dépend pas des accusations qu’on vous lance pour vous manipuler. Elle réside dans votre capacité à reconnaître la manipulation et à maintenir fermement votre intégrité face à elle.
La prochaine fois qu’on vous qualifiera de narcissique dans un contexte suspect, peut-être pourrez-vous voir cette accusation pour ce qu’elle est vraiment : non pas une vérité sur vous, mais un signe révélateur sur la personne qui la formule et sur les progrès que vous avez réalisés dans votre propre parcours d’émancipation psychologique.
Et rappelez-vous toujours que la guérison complète implique parfois de prendre des distances avec ceux qui persistent à vouloir vous définir selon leurs propres besoins toxiques. Parfois, le silence est la réponse la plus éloquente à ceux qui cherchent à vous entraîner dans leur spirale de confusion émotionnelle. (Cyril Malka)



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