Est-ce que les jeux vidéo détiennent la clef d’un meilleur apprentissage ?

Est-ce que les jeux vidéo détiennent la clef d'un meilleur apprentissage ? - Illustration
Mon paladin, Silandel, sur World of Warcraft (WOTLK – serveur privé)

(13/09-2021) – Malgré tout le bien qu’on en pense, on pourrait considérer le golf comme un sport idiot: En termes simples, les golfeurs se lèvent tôt pour frapper de minuscules balles avec des bâtons à têtes, puis poursuivent ces petites balles sur de longues distances pour les frapper à nouveau. Pendant toute une partie, les joueurs ne développent ni la vitesse, ni la force ou l’agilité. La plupart du temps, ils se contentent de marcher et de parler.

Vu de cette façon, le golf semble être parfaitement absurde. Et pourtant, la National Golf Foundation estime qu’il y avait près de 40 millions de golfeurs dans le monde en 2020.

Pourquoi?

Pour plusieurs raisons.

Dans le golf, premièrement, il y a un objectif: les golfeurs comptent leurs coups et essayent d’améliorer leur score au fil du temps. Deuxièmement, il y a la stratégie: afin d’atteindre leur cible, les golfeurs doivent choisir quels clubs utiliser et dans quelle direction viser. Enfin, il y a la socialisation: les golfeurs suivent un code vestimentaire et se rassemblent dans des pavillons à la recherche de communauté.

Taper une balle et la mettre dans un trou est une activité assez dénuée de sens, mais il y a toutes ces autres choses autour de cette action. Il y a des règles et des structures qui en font quelque chose que les gens veulent vraiment se lever tôt un dimanche pour faire.

Ce sont ces principes qui ont été réutilisés pour le projet « Classcraft ».

Classcraft est une plate-forme technologique qui aide les enseignants à « gamifier » leurs salles de classe.

Au lieu de facteurs de motivation qui contraignent les élèves à adopter des comportements d’apprentissage positifs – par exemple, les notes – Classcraft utilise des facteurs de motivation comme ceux inhérents aux jeux vidéo.

La théorie de l’autodétermination est la branche de la psychologie qui examine pourquoi nous sommes motivés à faire certaines choses. Cela existe depuis les années 1970, et les créateurs de jeux sont devenus des maîtres dans ce domaine.

Et c’est aujourd’hui le moment ou jamais de transformer ces principes: La pandémie de COVID-19 a inauguré une nouvelle ère d’apprentissage en ligne qui durera probablement d’une manière ou d’une autre pour les décennies à venir. Mais l’apprentissage en ligne est un très mauvais jeu.

La raison est simple: l’apprentissage en ligne essaye de reproduire les éléments de base de l’école, mais ne prend pas en compte les éléments supplémentaires qui ajoutent à la difficulté du processus. Des éléments tels l’isolement social, les distractions ambiantes, la fatigue de l’écran et une mauvaise connectivité.

Vu que tout s’est passé très vite, il est logique que les enseignants aient essayé de prendre ce qu’ils faisaient face à face et à le transposer en ligne.

Mais nous avons la possibilité et le savoir suffisant pour faire les choses différemment.

Au Québec, cela fait un bout de temps que le projet des « classes gamifiées » a fait son apparition.

Qu’est-ce que la gamification ?

Même si on utilise certains jeux dans de nombreuses salles de classe afin de faciliter l’apprentissage, la « gamification » ne concerne justement pas les jeux.

La gamification consiste à appliquer des principes de jeu à des situations non liées au jeu.

Pensez plutôt aux programmes fidélisation des boutiques que vous utilisez. Leur objectif principal, ne nous leurrons pas, est de vous faire dépenser de l’argent. Ils vous font dépenser de l’argent en vous donnant des points que vous pouvez accumuler pour obtenir des choses ou des services « gratuits ».

Ceci est en fait un jeu que vous jouez sans que vous vous en rendiez compte.

Nous avons vu ici la gamification des achats ou de la consommation. Et la gamification des salles de classe utilise ces mêmes principes.

La gamification emprunte les principes suivants aux jeux afin d’alimenter la motivation:

Choix : bien que la plupart des jeux n’aient qu’un seul objectif, il existe généralement de nombreuses façons de l’atteindre. Par exemple, différentes armes, tactiques ou stratégies à utiliser, ou différents défis à relever. Ce qui le rend amusant, c’est d’avoir l’autonomie de choisir comment vous atteignez la « ligne d’arrivée ». »

Une grande partie de la gamification consiste à offrir un choix. Au lieu de donner 10 devoirs que tout le monde doit faire, on donne une gamme de devoirs différents et on permet aux élèves de choisir ceux qu’ils veulent faire et terminer.

L’autonomie donne aux élèves la possibilité de choisir des devoirs qui complètent leur style d’apprentissage. Certains élèves sont enclins à faire davantage de devoirs basés sur l’écriture, tandis que d’autres préfèrent faire quelque chose de plus pratique, comme créer une animation vidéo ou construire un modèle 3D à partir de Lego.

Compétence: les jeux ne sont pas amusants s’ils sont trop difficiles, si vous ne progressez pas assez rapidement ou si vous ne gagnez jamais. Les joueurs et donc les élèves sont motivés par un sentiment d’accomplissement – un sentiment de compétence.

Nous sommes motivés par nos propres progrès. Si je suis un étudiant moyen, j’obtiens généralement des notes moyennes. J’apprends encore, mais je ne vois jamais mes progrès.

Dans les classes gamifiées, les progrès peuvent être mesurés en points ou autres formes de reconnaissance « additives ».

Dans l’école traditionnelle, on commence avec 100 % de points et on essaye de maintenir ce score. Pour chaque erreur, on perd des points.

Donc tout score inférieur à 100 % est punitif.

Dans un système gamifié, c’est l’inverse. On commence à zéro et on gagne des points pour tout ce que l’on fait. L’élève se concentre sur ce qu’il a accompli au lieu de ce qu’il a échoué. Et cela donne aux élèves un sentiment de progression.

Récompense (visuelle) lorsque mon personnage , Pétale, est arrivée au niveau 90 (World of Warcraft officiel, Pandaria)

Communauté : les joueurs aiment jouer à des jeux non seulement parce qu’ils sont amusants, mais aussi parce qu’ils sont sociaux.

Aujourd’hui, presque tous les programmes télévisés ont d’énormes communautés en ligne. Lorsqu’on finit de regarder l’émission, on peut trouver des détails cachés, discuter des épisodes, échafauder de nouvelles théories en ligne avec la communauté.

Même chose pour tous les jeux en ligne. Ceux-ci ont leurs forums et leur communauté.

Dans les classes gamifiées, l’apprentissage est transformé en un sport d’équipe. L’école, qui par sa conception première est plutôt compétitive, est plus inclusive et plus collaborative dans sa version gamifiée.

Transformer les leçons en quêtes

Pour la classe gamifiée, toute l’année scolaire est gamifiée. Il y a un scénario qui guide le programme, et chaque unité dans laquelle les élèves s’engagent est une quête avec différentes missions qu’ils doivent accomplir afin de mettre en pratique leurs compétences critiques par exemple en lecture et en écriture.

L’enseignant attribue des points aux élèves lorsqu’ils terminent leurs devoirs et autres activités, qu’ils peuvent ensuite échanger contre des prix ou des privilèges spéciaux en classe. Plus les élèves gagnent de points, plus ils deviennent forts en tant que lecteurs et écrivains grâce à toute la pratique qu’ils acquièrent.

Comme ils le feraient dans un jeu vidéo multijoueur, les élèves travaillent en équipe, ont des personnages et peuvent « monter de niveau » au fur et à mesure que leur apprentissage progresse. Lorsqu’ils maîtrisent un concept, une norme ou une compétence, ils peuvent accéder à de nouvelles missions et gagner des badges qui représentent leurs progrès.

L’un des gros avantages de la gamification de la classe, c’est qu’elle crée un état d’esprit de croissance.

Quand on joue à jeu vidéo et que votre personnage n’atteint pas le niveau supérieur, ou se plante dans une mission, un gamer, un enfant, n’abandonne pas. Il ne se dit pas « je laisse tomber ».

Le gamer retourne en arrière et essaye de comprendre ce qui peut être fait différemment, demande de l’aide à la communauté afin de passer au niveau supérieur.

Dans la gamification, l’échec n’est que temporaire et motive à l’avancement. C’est rarement le cas dans les classes classiques.

De meilleures expériences, de meilleurs résultats

Les avantages de la gamification sont encore plus apparents dans les classes virtuelles que dans les classes physiques.

Zoom n’est pas très utilisé pour les classes gamifiées car il ressemble trop à une salle de classe classique. Les salles de classe gamifiées virtuelles peuvent être personnalisées pour promouvoir différents comportements d’apprentissage.

Par exemple, les enseignants peuvent attribuer des points aux étudiants non seulement pour avoir terminé leurs devoirs, mais aussi pour s’être présentés à l’heure pour les cours vidéo, participer à des forums et discussions en ligne et communiquer efficacement par des moyens numériques.

Les enfants ne savent pas encore comment être de bons apprenants à distance et il faut leur apprendre à quoi cela ressemble.

D’après les résultats de Classcraft, les classes liées à la gamification ont vu une augmentation de la participation des élèves, une amélioration de la moyenne des notes et une baisse des problèmes comportementaux.

Comme quoi le gaming ne crée pas que des addicts et que même cette addiction, si addiction il y a, a ses bons côtés. Et peut-être pourrait-on essayer plusieurs de ces techniques dans différentes écoles françaises?

Vous pouvez trouver le projet Classcraft ici: https://www.classcraft.com/ et n’importe quelle école ou n’importe quel enseignant peuvent y participer. Yapluka! (Cyril Malka)

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