Courrier des lecteurs: J’ai peur de mettre au monde une sociopathe

(10/12-2018) – Bonjour, Cyril,

Ma mère est a minima histrionique, mais je la sais capable d’aller jusqu’à tuer (elle m’a rendue malade plusieurs fois non pour attirer l’attention, mais parce que je n’avais pas assez flatté son ego, enfant), ma grand-mère maternelle l’a mise en pension à 6 ans, car elle en avait peur et en particulier qu’elle soit comme sa mère à elle, donc mon arrière-grand-mère.

Cette dernière était hypocondriaque et détruisait sa fille (ma grand-mère) tout en idéalisant de façon délirante son fils. Étrangement j’ai réussi à m’en tirer.

J’ai toujours voulu construire une humble famille, mais je ne l’ai jamais fait à 42 ans, car ma lignée est inracontable à un futur conjoint et surtout, j’ai peur de mettre au monde une sociopathe, j’ai même avorté 5 fois.

Ma peur est-elle irrationnelle ou est-ce que vous pensez qu’effectivement, m’abstenir est le mieux?

Marie

Bonjour, Marie,

Avant tout, il faut connaître le diagnostic précis de votre mère. De préférence donné par un spécialiste qui connaît bien les troubles de la personnalité.

Il y a 10 troubles de la personnalité reconnus en ce moment. Ils sont groupés dans trois catégories différentes d’après leur genre et les groupes sont nommés A, B et C.

Groupe A (bizarre, excentrique): paranoïa, schizoïde, schizotypique.

Groupe B (Dramatique): antisocial (psychopathe/sociopathe), borderline, histrionique, narcissique.

Groupe C (Angoisse): personnalité évitante, personnalité dépendante, trouble obsessionnel compulsif (TOC)

Dans tous les cas, lorsque nous parlons de troubles de la personnalité, nous ne parlons pas de « problème psychologique ». Ce n’est pas comme une angoisse, une phobie ou un manque de confiance en soi. Il s’agit d’un genre de personnalité. On pourrait dire que c’est un peu comme l’intelligence. On peut tout aussi peu attendre d’un sociopathe qu’il arrête d’être sociopathe qu’on peut attendre d’une personne à faible QI de devenir intelligente (ou vice-versa).

Dans différents groupes, il y aura différents « degrés ». Dans certains cas, on pourra aider la personne à s’en sortir si elle est intéressée (personnalité évitante, dépendante ou les TOC, par exemple), dans d’autres, on peut lui apprendre à gérer certains problèmes et à avoir une vie aussi harmonique que possible (personnalité histrionique, schizoïde, borderline, par exemple), et dans d’autres, il n’y a rien à faire ou très peu, car la plupart du temps, le sujet ne voit pas de problème (antisocial, narcissique, par exemple).

Enfin, pour certains, ça dépendra du degré du trouble. Plus le trouble est profond, et plus ce sera difficile, voire impossible de redresser le tir. Une personnalité profondément histrionique sera hors de portée, alors qu’une personnalité plus légèrement histrionique pourra (et voudra) être aidée.

Dans tous ces troubles, il y a un élément génétique. Celui-ci peut jouer une grande importance ou une importance moins grande. L’environnement a alors son mot à dire.

Chez le sociopathe (antisocial), on peut constater les premiers signes à un âge très jeune (3 ou 4 ans) et on ne peut rien y faire. L’environnement n’a qu’un rôle accessoire à jouer. En gros, ça veut dire que si l’enfant évolue dans un environnement criminel et violent, il y a plus de risques pour qu’il devienne un sociopathe violent. S’il évolue dans un environnement plus standard, il y a plus de risques pour qu’il devienne un criminel à col blanc. Mais ce n’est ni une règle ni quelque chose qui marche à tous les coups. En gros, l’environnement n’aura qu’une influence minime. Dans le cas d’un sociopathe, c’est génétique et l’environnement ne décidera que du genre de sociopathe que vous aurez au bout du compte (et encore, ce n’est pas toujours sûr).

Pour la personnalité évitante, l’environnement joue un rôle plus important sur le degré d’évitement du sujet. Plus l’environnement est dur et plus le sujet risque de se renfermer.

Voilà pourquoi il nous faudra savoir avant tout de quel style de personnalité nous parlons exactement pour pouvoir répondre très précisément à la question.

Mais si nous partons du principe que votre mère et bel et bien touchée par un trouble de la personnalité de cette liste: Oui, il y a un risque de retransmission génétique.

Mais tout dépend du trouble en question. Dans certains cas, il est possible de faire quelque chose. Dans d’autres non.

Mais dans ce cas (encore une fois, si nous parlons de trouble de la personnalité, ce qui n’est pas sûr, car je ne connais pas la situation), vu qu’il y aura une retransmission génétique à un certain niveau, il faudra vous attendre à éventuellement devoir travailler avec votre enfant pour lui apprendre à gérer un trouble éventuel de la personnalité. Je dis éventuel, car il n’est pas sûr que le gène se retransmette directement à l’enfant (mais il pourra sauter une ou plusieurs générations).

Donc non, si nous parlons d’un trouble de la personnalité, votre peur n’est pas totalement irrationnelle. Il y a risque de retransmission et ça vous demandera du travail avec votre enfant si nous parlons de trouble de la personnalité possible à traiter d’une façon ou d’une autre.

Maintenant, une chose est d’avoir une vie de couple, une autre est d’avoir des enfants. Et votre lignée n’est pas plus inracontable à un futur conjoint que bien d’autres lignées. S’il vous aime, cela ne devrait pas poser de problème. C’est vous qu’il aime, c’est avec vous qu’il vit, pas votre lignée. Il y aurait peut-être un peu de travail à effectuer sur vous, là.

Bon courage pour la suite.

Cyril

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