Parents sans culpabilité

Conflits

(29/12-2014) – Les parents se croient responsables de l’adaptation de leurs enfants à la société. Une grande partie de la littérature spécialisée sur ce sujet indique que les parents sont responsables du comportement de leur progéniture, surtout lorsque celui-ci ne correspond pas aux attentes de la collectivité ou si leurs vies ne vont pas dans la direction approuvée.

Ce point de vue tordu n’est pas seulement erroné, mais en plus il porte les parents à croire (à tort) qu’ils doivent être contrôlés, évalués en tant que parents et qu’ils doivent aussi se justifier, expliquer leurs décisions et prouver leurs bonnes intentions vis-à-vis des critiques (qui souvent viennent de leurs propres enfants.)

Le résultat de tout ça est qu’on trouve un paquet de parents qui culpabilisent à qui mieux mieux et qui s’évaluent, en tant que personne par rapport à l’adaptation de leurs enfants. Les parents se donnent de mauvaises notes lorsque leurs enfants rencontrent les problèmes inévitables que la plupart des enfants rencontrent tôt ou tard. En gros, si “comportement enfant inadapté” ou si “enfant faire grosse connerie” = mauvais parent (mauvaise mère, le plus souvent) = mauvaise personne.

C’est un jeu dangereux à jouer. Très dangereux!

Afin d’éviter cela, les parents ne sont plus en mesure de résoudre les problèmes de manière efficace, par peur de traumatiser le pauvre bambin. Les parents ne prennent plus les choses en main, ils fuient les problèmes et, en agissant de la sorte, la situation problématique dure plus longtemps (sans pour autant trouver une solution adaptée).

Le contrôle parental et ses limites

Avant de régler les problèmes, il est important de bien comprendre qu’il y a au moins quatre facteurs qui sont en dehors du contrôle parental. Ceux-ci sont:

– Les tendances génétiques à se laisser influencer. Tous les êtres humains sont influençables. Et ça marche aussi pour vous. Non seulement les parents influencent leurs enfants, mais les enfants influencent leurs parents. Les enfants sont, en effet, nés avec des conceptions et des manières de penser différentes et, rendons-nous à l’évidence, certains enfants sont plus difficiles à supporter que d’autres. Ils sont tous imparfaits et faillibles. Vous n’élevez pas votre second ou troisième enfant de la même façon que vous avez élevé votre premier. Vous n’élevez pas une fille de la même façon que vous élevez un garçon. Les enfants ont également une influence sur vous. Ce n’est pas un système à sens unique.

Ordi

– L’influence des pairs. Quelle que soit la quantité d’amour et d’attention que l’on donne à ses enfants, ils admirent leurs amis (camarades, copains ou autre personne importante d’après eux) pour recevoir encore plus d’attention et d’acceptation. Et bien que certains enfants soient plus sensibles et réceptifs aux influences que d’autres, et qu’il faudra plus de contrôle de la part des parents, il y a quand même certaines limites à ce que les parents peuvent contrôler. À moins de suivre votre enfant pas à pas tout au long de la journée, chaque jour, chaque soir, chaque nuit, vous ne pouvez pas contrôler totalement qui les influence.

– L’influence de la télé et d’autres médias. Tous les hommes sont nés avec la qualité de se laisser influencer, de croire et d’imiter. La vérité de la publicité est un mythe, mais les enfants et les jeunes vont souvent, sans plus y penser, accepter les arguments de vente, qu’ils soient vrais ou faux. Sans parler de la télé-réalité, des films, des séries télévisées, de Facebook, d’internet… Bien que les parents puissent contrôler certaines de ces influences, il y a, ici aussi, une limite à ce contrôle.

– Les changements sociaux. Les enfants ont plus de droits que jamais. C’est bien, mais ça peut poser des problèmes lorsque le contrôle manque. L’importance qui est mise sur les droits des enfants peut rendre difficile une réaction ayant des tendances de contrôle et de discipline comme suite à une conduite inconvenante d’un enfant. Ceci rend plus difficile pour les enfants d’apprendre la conséquence de leurs actions et de la même manière ceci complique le travail éducateur des parents. Je me souviens d’une amie qui m’a demandé si elle avait traumatisé son fils (qui avait trois ans) car elle lui avait parlé durement.

Au moins ces quatre choses sont totalement hors de votre influence en tant que parent. De même, si votre enfant décide de suivre ses idées, ses camarades et de faire ce qu’il a envie envers toutes vos idées, tout ce que vous lui avez appris et de foncer dans le mur, vous ne pouvez pas l’en empêcher.

Parent ou pas, vous n’êtes pas divin et vous n’avez que peu d’influence sur votre progéniture. Vous n’avez que l’influence que vos enfants veulent bien vous laisser avoir.

Dus à leurs demandes, à leur caractère exclusif, à leurs idées toutes faites etc. (bien que souvent sans songer à mal) les enfants voient les choses de la manière dont ils ont envie.

Si on refuse à deux enfants différents de dormir chez un camarade, par exemple. L’un des enfants verra peut-être ceci comme une limite voulant dire que l’on est inquiet, parce qu’on s’intéresse à lui. Un autre enfant comprendra peut-être cela comme si on retenait une faveur car on ne l’aime pas.

Ce que je veux dire ici est que les parents n’ont absolument aucun contrôle sur ce que leurs enfants pensent. C’est l’une des raisons pour laquelle il ne faut pas prendre l’état d’esprit de ses enfants comme une vérité absolue, à moins de vouloir leur donner le contrôle de votre vie sentimentale. Et puisque les enfants aiment contrôler leur entourage, la plupart se délecteront d’une telle possibilité !

Ce n’est pas nécessairement à cause de quelque chose que vous avez fait ou dit que votre enfant risque de croire que vous ne l’aimez pas. Mais c’est une arme comme une autre que n’importe quel enfant peut utiliser pour avoir ce qu’il veut.

En fait, il y a plusieurs outils utilisables afin de résoudre les conflits entre parents et enfants de façon juste et équitable.

Attention, il s’agit là d’outils. Rien ne dit que ça marchera. Mais au moins, vous avez ici quelques possibilités:

– Écouter,
– parler en utilisant “je” (ne pas juger l’enfant: « tu es méchant” mais utiliser “je n’aime pas quand tu fais ca »,
– les compromis rationnels (des fois, il faut trouver un terrain d’entente) et
– une utilisation constructive des conséquences (faire comprendre à l’enfant que ses actions ont des conséquences sur lui, vous et peut-être d’autres).

Il est très important d’apprendre l’art d’éviter les situations qui font une tempête dans un verre d’eau entre autres en prenant la critique venant des enfants un peu moins au sérieux. Les enfants ont une tendance à juger toute la personne et leur conception de ce qui se passe n’est peut-être pas la bonne. Ce n’est pas parce que tel ou tel enfant comprend une règle comme insupportable qu’elle l’est ou que les parents sont injustes.

De même manière, il est important d’arrêter de croire qu’on est obligé de suivre une «formule magique» au maniement et dans l’éducation de son enfant. Il vaudrait mieux que les parents utilisent leur discernement de manière plus naturelle et plus spontanée. Les enfants ne viennent pas avec un mode d’emploi. Les parents ne deviennent pas infaillibles et ont commis (et commettrons encore) des erreurs.

Accusé, levez-vous!

Il n’est donc pas question de se sentir accusé, même si l’enfant vous accuse. Restez rationnel dans votre compréhension de ce qui se passe. Acceptez-vous comme vous êtes, aussi avec les erreurs que vous avez commises.

S’accepter comme on est ne veut pas dire «ne pas s’inquiéter des erreurs que l’on fait.» Cela veut dire accepter que des fois on gagne, d’autres fois on perd, en tant que parent, oui, mais en tant que n’importe quoi d’autre aussi. Et que l’on perde ou que l’on gagne, on est toujours la même personne!

On n’est pas un surhomme (ou une super-maman) parce qu’on a du succès dans un domaine, et on n’est pas non plus un bon à rien parce qu’on n’arrive pas à son but. Accepter ses erreurs veut généralement dire qu’on en commet moins (puisqu’on apprend de ses erreurs.) Accepter ses erreurs veut dire accepter qu’on a fait une erreur, voir ce qu’on peut faire pour la réparer et, surtout, apprendre de cette erreur afin de ne pas la répéter.

Ceci veut dire que la valeur que l’on a en tant que personne n’est pas dépendante de l’adaptation personnelle ou sociale de son enfant. Ce n’est pas parce que votre enfant comprend la vie d’une autre façon que vous, que vous avez moins de valeur ou que vous devez vous sentir coupable.

Il est important de vous accepter sans conditions.

S’accepter sans conditions, dans ce cas précis, veut dire qu’on analyse, qu’on provoque et qu’on éradique ces idées fantasques sur «être parent ».

Certaines de ces idées sont (en gros) liste non-exhaustive :

– Je devrais me sentir coupable lorsque je dis « non » à mon enfant ou lorsque je commets une erreur dont il fera les frais.

– Mon enfant doit avoir au moins un (et de préférence, plusieurs !) talent spécial ou des facultés spéciales pour pouvoir avoir confiance en lui et de manière à me satisfaire comme parent.

– Il y a une solution parfaite au problème de mon enfant, et c’est une catastrophe si je ne la trouve pas.

– Il est de première nécessité que mon enfant comprenne la raison, la logique et le bien fondé de toutes les décisions que je prends ou bien il risque de croire que je ne l’aime pas, et cela serait horrible.

– Je dois être compétent, efficace et couronné de succès en tant que parent, pour que je puisse avoir de confiance en moi.

– En tant que parent, je suis responsable de la manière dont mon enfant s’adapte aux demandes et aux attentes de la société, et je puis être considéré comme moins que rien par moi-même ou par les autres lorsque ceci n’arrive pas.

Bully

– Lorsque mes enfants sont malheureux, c’est à moi de leur montrer le chemin du bonheur, et il est normal que je sois démoralisé si je ne peux pas le faire.

– Mes enfants devraient m’apprécier plus qu’ils ne le font.

– Si mes enfants veulent faire une fugue, ou s’ils me comparent de manière négative avec les parents de leurs amis, cela veut dire que je ne leur donne pas suffisamment d’amour.

– Les expériences passées de mes enfants décideront de leur futur, car les expériences négatives influencent la vie pour toujours.

– Cela serait horrible si mon enfant choisissait de ne pas accepter les valeurs que j’ai apprises et auxquelles je crois.

– Les enfants sont bons et innocents de nature, et s’ils développent des erreurs ou des traits de caractères négatifs au début de leur vie, ceci est nécessairement de ma faute.

– La responsabilité des parents continue pour toujours.

Oser questionner

Pour faire le ménage dans tout ça, il faut commencer par questionner le bien fondé des affirmations ci-dessus. Sont-elles scientifiquement prouvées? Sont-elles vraies? On peut commencer par les questionner, par exemple, on peut se poser les questions suivantes (juste un exemple, vous pouvez vous-même en trouver d’autres):

– Pourquoi devrais-je me sentir coupable d’être humain et de faire des erreurs ? Pourquoi ne puis-je pas me contenter d’essayer de commettre moins d’erreurs dans le futur sans me condamner dans le présent?

– D’où ai-je cette idée que tous les problèmes ont une solution parfaite, et pourquoi devrais-je être agacé et triste lorsque je ne peux pas trouver la bonne solution?

– Pourquoi ai-je besoin de l’acceptation de mes enfants, et pourquoi est-ce si horrible lorsqu’ils disent qu’ils ne m’aiment pas ou me menacent de ne plus m’aimer?

– Pourquoi dois-je faire le mieux ? Pourquoi ne puis-je pas essayer de faire de mon mieux, et si ceci n’est pas suffisant aux yeux des autres, pourquoi ne puis-je pas juste continuer à vivre ma vie ?

– Plutôt que de m’apitoyer sur moi-même, pourquoi ne puis-je pas accepter le fait que mes enfants, très souvent, n’apprécieront pas le juste prix de mes peines?

– Où il y a-t-il écrit que parce que les choses ne vont pas bien entre mon enfant et moi, toute ma vie doit devenir dépourvue de sens?

– Pourquoi ne puis-je pas trouver le plaisir et le bonheur dans d’autres domaines de la vie sans avoir à pleurer les problèmes de mon enfant ?

Le truc est, que nous ne nous contentons pas d’avoir des sentiments par rapport à une situation, mais par rapport à ce que nous croyons par rapport à une situation… On peut dire (en gros) que la situation A, au travers des croyances B va mener aux sentiments C.

Trop souvent, les croyances B sont irrationnelles et destructives, et en les débattant (D) on en arrive à un effet (E) plus adéquat.

Mettons une situation autour de cette théorie afin d’illustrer tout ça.

Dans la situation A, notre enfant fait quelque chose d’inadéquat; l’école buissonnière, il vole dans une boutique ou il est pris en train de fumer du haschisch… ou bien les trois choses à la fois!

Très souvent les parents vont en C (sentiments) se sentir coupables de la conduite de leur enfant, et ils croiront par erreur que A est la raison de C. Par exemple : L’action inadéquate de mon enfant fait que je me sente coupable et comme un moins que rien.

Mais entre A et C, il y a B (les convictions, les croyances ou les interprétations de A) et ce sont ces convictions qui créent le sentiment indésirable de culpabilité. Celles-ci comprennent des croyances qui vont évoluer. On passe de l’une à l’autre. L’une mène à l’autre. Ça peut parfaitement être un cursus comme:

– J’aurais dû faire quelque chose pour éviter ce qui vient d’arriver, donc c’est de ma faute. Je suis coupable.

– Ces problèmes sont horribles et effroyables, pires que n’importe quoi !

– Je ne peux pas me supporter, je ne peux pas non plus supporter ces conditions accablantes et effrayantes, et il est encore pire que je ne sache même pas quoi y faire.

– Je suis un nul ! Je suis un vrai zéro de laisser une chose aussi horrible arriver. Je suis un mauvais parent, je suis une mauvaise personne.

C’est la construction de ce genre de sentiments irrationnels et indésirables qui nous rendent inefficaces en tant que parent, qui doit ramasser les morceaux, mais ceci nous rend également inefficaces dans d’autres domaines de la vie. Dans cette situation, on risque de devoir travailler sur comment rejeter cette horrible accusation et en fait, on finit par ne plus voir le problème. En fait, on travaille à se déculpabiliser plutôt que de résoudre le problème. On va essayer de trouver un bouc émissaire… Bref, on fait n’importe quoi, mais en tout cas on ne résout rien du tout.

Au cœur du débat

Le self-contrôle et l’acceptation de soi, en dépit de la conduite problématique de son enfant s’obtient plus facilement en allant à D (débattre, discuter, argumenter) et provoquer les B ci-dessus en se disant par exemple une ou plusieurs des hypothèses ci-dessous qui sont prouvables, vérifiables et rationnelles :

– Je ne peux pas suivre mon enfant 24 heures sur 24.

– J’aurais vraiment préféré que mon fils (ou ma fille) prenne une autre décision sur ce point, mais il m’est impossible de l’obliger à changer sa manière de penser et d’être. Il y a des limites à ce qu’un parent puisse faire et, que je le veuille ou non, il me faut accepter ce fait comme faisant partie de la vie.

– Cette situation est décevante, mais je n’ai pas besoin d’en faire une catastrophe en voyant ce problème comme étant plus important que la vie elle-même.

– Je n’ai pas à avoir honte. J’ai fait de mon mieux.

– Ceci sont de tristes circonstances, et j’ai peut-être même contribué à cela. Mais je suis une personne faillible, et je vais m’accepter en dépit de mes gaffes. Bien entendu, je vais essayer autant que possible d’éviter ce genre de gaffes dans le futur. Penser d’une autre manière ne peut que me mettre en colère contre quelque chose qui est arrivé et qui ne peut plus être changé.

Le gros lot lorsque l’on s’oblige à penser de cette manière est une philosophie plus raisonnable, plus à jour et plus tolérante qui aide un parent à penser plus clairement et à mieux s’accepter. Il sera donc plus facile d’utiliser les outils parentaux de manière à ce qu’ils profitent à l’enfant et soi-même. Vu qu’on ne s’accuse plus soi même, on ne perd plus de temps à se battre contre la culpabilisation et on peut se concentrer sur le problème. Remarquez bien que certains problèmes n’ont pas de solution. Ce n’est pas de la télé-réalité, mais tout simplement la réalité.

Ce que je viens de décrire est surtout pour rendre un peu d’humilité au rôle parental. Car il est vrai que très souvent, en devenant parent, on s’imagine devoir devenir divin et sans failles. Ou qu’on doit l’être.

Non, non, parent ou pas, vous êtes toujours la personne que vous êtes, avec des défauts, des qualités, vous faites des erreurs et certaines peuvent être plus difficiles à réparer que d’autres.

Du point de vue humain ceci met les parents plus au centre de leur univers en évitant de laisser les problèmes de leurs enfants être les dictateurs de leurs sentiments de culpabilité, de honte, d’accablement ou même de dépression. Il leur faut être capable de se pardonner à soi-même d’être le parent faillible d’un enfant faillible. (Cyril Malka)

© 1997 – 2014 – Malka – Publié dans « Vi forældre » (« Nous, les parents ») – Danemark – novembre 1997. Mis à jour et actualisé en 2014.

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