La solitude – invention des temps modernes

(11/11-2020) – Depuis que la covid-19 a frappé l'Europe et la France au début de cette année, un nombre croissant de Français se sentent seuls. Ceci est particulièrement vrai pour la jeune génération.

Lorsque les écoles, les établissements d'enseignement et les lieux de travail ont fermé leurs portes au printemps, nombreux sont ceux qui n'ont soudainement plus eu la possibilité de socialiser quotidiennement comme ils étaient habitués.

Et ici encore, les jeunes ont été durement touchés, car en règle générale et d'après les statistiques, les jeunes se sentent plus seuls que les seniors.

Selon un sondage publié par Pleine Vie en 2018, trois quarts des 18-24 ans affirment se sentir seuls. Les plus de 65 ans sont 68% à estimer ne jamais se sentir seuls.

Cet état de fait a donc été exacerbé par la venue de la COVID-19.

Mais en fait, la solitude est une invention assez nouvelle dans l'histoire de l'humanité.

Si vous étiez jeune il y a 250 ans, vous ne sauriez probablement pas du tout ce que veut dire “manquer de compagnie sociale”. Tout simplement parce qu'à cette période, on était constamment entouré d'autres personnes.

Depuis que la France a été touchée par la covid-19, rien n'est plus comme d'habitude.

L'enseignement et le travail ont lieu virtuellement, des festivals et des concerts ont été annulés, la vie nocturne a été fermée et nous ne sommes plus autorisés aux grands rassemblements.

Cela ne peut manquer de nous affecter. Parce que nous, les humains, sommes des animaux de troupeau (certains plus que d'autres, néanmoins, je l'admets) et nous avons besoin de contacts sociaux.

Mais pourquoi nous sentons-nous seuls alors que nous pouvons toujours nous appeler, parler et nous regarder via un écran? Chose qui était impossible il y a 250 ans, justement?

Les extravertis sont-ils plus durement touchés par les fermetures? Et la solitude est-elle vraiment un phénomène moderne?

La réponse rapide à ces questions est: Oui.

Pour entrer plus dans le détail, il faut savoir que dans le passé, les communautés locales étaient une évidence.

On grandissait dans une famille souvent plus nombreuse qu'aujourd'hui – et tous les oncles, tantes, cousines ​​et cousins ​​vivaient juste au coin de la rue ou pas très loin.

La communauté était quelque chose de normal. C'était un fait accompli. Une évidence.

Aujourd'hui, il nous faut faire quelque chose d'actif pour faire partie d'une communauté quelconque, sinon nous nous retrouvons rapidement seuls.

La solitude n'existait pas à l'âge de pierre

La solitude est une invention relativement moderne qui s'est implantée au rythme de l'industrialisation et au rythme auquel les gens ont quitté la campagne pour aller dans les villes.

Pour la plus grande partie de l'histoire humaine, la solitude n'existait pas du tout.

Dans la société des chasseurs-cueilleurs, il n'y avait pas de solitude pour la bonne raison qu'on ne pouvait pas du tout survivre seul.

Si vous étiez expulsé du groupe, c'était une condamnation à mort. Nous, les humains, étions complètement dépendants les uns des autres.

Tout au long de l'Antiquité avec les Cités-États grecques, l'Empire Romain et plus tard le Moyen-Âge, la solitude n'était pas un mot qu'on utilisait. IL était pour ainsi dire inconnu au bataillon. La preuve en est de la littérature qui nous reste de l'époque.

Mais au cours du XIXe siècle, les choses ont commencé à changer.

Le mot est apparu de plus en plus souvent dans la littérature, et c'est probablement dû au fait qu'on a dû s'habituer à la vie dans les grandes villes.

En quittant les petits villages où tout le monde connaissait tout le monde pour aller dans les grandes villes, nous sommes devenus anonymes.

Il n'y a pas dans la grande ville, la même unité et beaucoup de gens ont probablement éprouvé un sentiment de solitude qu'ils n'avaient pas du tout connu auparavant.

La télévision nous rend plus seuls

Au niveau mondial, en 1800, 96,6% de la population vivait encore à la campagne.

En 1900, ce nombre était tombé à 85%.

Après la Seconde Guerre Mondiale, les choses ont vraiment pris de la vitesse et en 2018, seuls 16,6% de la population française vivait à la campagne.

Malgré le fait qu'en ville, nous vivons plus près de plus de gens, nous nous voyons moins et nous sommes plus seuls.

Ensuite, une invention particulière a contribué à nous garder à la maison: La télévision!

La télévision est vraiment devenue populaire dans les années 1960, et cela a signifié que les gens ont passé de plus en plus de temps à regarder la boîte magique et sont devenus de moins en moins impliqués directement dans diverses communautés.

Ensuite, avec Internet et les réseaux sociaux, les choses ne se sont pas améliorées. Bien au contraire.

Dans la société numérique, où l'on se voit de plus en plus via des écrans – ou même où on ne se voit plus du tout – la technologie participe à amplifier notre solitude.

Par conséquent, la solitude est devenue un problème à part entière et spécialement intense à partir du tournant du millénaire. Et il existe de nombreuses analyses qui le confirment.

Si la solitude n'a vraiment apparu que lorsque nous nous sommes blottis dans les grandes villes au rythme de l'industrialisation grandissante, et si celle-ci a été intensifiée par les écrans, que ce soit la télévision ou l'ordinateur,  elle nécessite un ingrédient supplémentaire avant de pouvoir nous frapper de plein fouet et devenir un gros problème: L'individualisme!

La solitude est un des sous-produits de l'individualisme: Nous nous considérons comme des individus responsables de notre propre vie et de notre développement et pour cette raison, la solitude est souvent comprise comme honteuse.

En effet, vu que nous sommes responsables, si une personne est seule, c'est parce qu'il y a une bonne raison: elle est un cas social, elle est asociale, difficile à vivre ou autre.

On juge souvent négativement la personne qui vit dans la solitude.

Et bien entendu, ce jugement nous retombe dessus lorsque nous nous sentons seuls. Et de là à la honte, il n'y a qu'un pas.

Pour alléger le fardeau de cette solitude et pour la surmonter, il est important de prendre conscience de ce phénomène de psychologie sociale, de ne pas voir la solitude comme une honte, mais comme un élément urbain, comme le prix de l'évolution et du changement de la société moderne et de l'accepter comme une partie du quotidien.

Une fois la solitude acceptée, on peut faire des choix. On peut accepter que c'est un des aléas de la vie moderne et faire avec ou bien on peut peut-être remettre son quotidien en question et partir à la campagne. À l'ère de l'informatique et du télétravail, on n'est plus nécessairement obligé de s'entasser dans les grandes villes. (Cyril Malka)

2 réflexions sur “La solitude – invention des temps modernes”

  1. Merci Cyril,
    encore une fois bien vu, bien décrit surtout dans ce contexte.
    Je dirais …. Plus que jamais on a l’esprit d’équipe, le besoin du lien social, éprouver la solidarité et en même temps le besoin de rester dans sa bulle.
    Cdr
    Diana

    1. Cyril Malka

      Merci, Diana 🙂

      Oui, trouver le juste milieu est une condition sine qua non, qu’on oublie. J’ai le plus souvent habité en province ou dans des petites villes. La cambrousse, ce n’est pas pour moi, et les grandes-villes non plus 🙂

      Amicalement,

      Cyril

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